Il y a trente ans, débutait l’opération Desert Storm qui visait à libérer le Koweït que Saddam Hussein avait envahi à l’été 1990, au mépris du droit international. Après des mois de montée en puissance et face à l’intransigeance de l’Irak, la coalition conduite par les États-Unis enclenche la phase aérienne utilisant toutes les ressources disponibles, qui vont mettre à genoux les forces irakiennes incapables de résister à cette machine de guerre sans précédent.
La nuit du jour J. Les premières frappes du 17 janvier 1991 sur l’Irak : un condensé de la campagne aérienne de Desert Storm (T 1238)
Des avions de l'US Air Force pendant l'opération Tempête du Désert (© US Air Force)
Thirty years ago, Operation Desert Storm began, which aimed to liberate Kuwait, which Saddam Hussein had invaded in the summer of 1990, disregarding international laws. After months of ramping up and facing the intransigence of Iraq, the coalition led by the United States engages the a phase using all available resources, which will bring to their knees the Iraqi forces unable to resist this unprecedented war machine.
Les premières attaques sur l’Irak et le Koweït occupé sont déclenchées à partir de 3 heures dans la nuit du 17 janvier 1991 par le refus du régime de Bagdad de se conformer à la résolution n° 678 du Conseil de sécurité des Nations unies, autorisant l’emploi de « tous moyens nécessaires » pour déloger l’Irak du Koweït si celui-ci ne s’était pas retiré avant le 15 janvier. L’offensive de la coalition forme l’aboutissement d’un processus militaire à la fois trop long et trop court (1).
Un hélicoptère des forces spéciales guide les premiers attaquants
vers un site de radars pour ouvrir une brêche dans la défense aérienne irakienne.
Trop long pour rassembler des moyens offensifs suffisants à garantir l’avantage tactique, la supériorité aérienne au moment de l’attaque, et la surprise stratégique ; les cinq mois de montée en puissance de la coalition et d’atermoiements diplomatiques ont laissé le temps à l’Irak de se retrancher profondément au Koweït autour de stocks de munitions pléthoriques, de redéployer ses forces aériennes et de missiles balistiques sur des bases avancées, et de collecter assez de renseignement sur le dispositif et l’ordre de bataille de la coalition pour se prémunir d’une attaque surprise.
Trop court pour permettre à la coalition dominée par les États-Unis de réunir le renseignement d’objectif adapté à la neutralisation effective des cibles stratégiques, qui vont des centres de commandement et de communication aux installations de production et de stockage d’armes de destruction massive, en passant par les principales bases de la Garde républicaine. De même, ce laps de temps est insuffisamment mis à profit par l’Irak pour achever le développement de ses capacités opérationnelles en matière de frappes biologique, chimique et nucléaire à longue portée, ou pour adapter sa défense, conçue pour contrer des attaques ponctuelles venant d’Israël ou d’Iran, à la prise en compte de frappes aériennes massives effectuées simultanément à partir de directions multiples, des bases de l’Otan en Turquie à la flotte déployée au nord du Golfe, en passant par les déploiements dans le désert saoudien le long de la frontière irakienne.
Indétecté, un des dix bombardiers furtifs Lockheed Martin F-117 Nighthawk de la première vague approche de sa cible de commandement à Bagdad, hérissée de défense sol-air.
De ce fait, le conflit s’amorce sur des bases incertaines et des hypothèses radicalement différentes : l’Irak disperse, retranche et préserve ses forces en prévision d’une guerre longue, tout en s’efforçant de précipiter le déclenchement d’une offensive terrestre pour infliger des pertes élevées à la coalition, espérant susciter son retrait. À l’opposé, les États-Unis ont planifié pour eux-mêmes et leurs alliés une campagne-éclair intégrant des phases de bombardements stratégiques en Irak, d’interdiction aérienne du théâtre d’opérations du Koweït, et de préparation d’un assaut terrestre décisif au Koweït (dont certains planificateurs espèrent que le succès des opérations aériennes permettra de s’en passer).
Un missile de croisière naval en route vers une cible stratégique, centre de commandement, de communication, ou centrale électrique en Irak.
Enfin, les deux belligérants brandissent, de part et d’autre, un arsenal de destruction massive d’inégale valeur : celui, avéré, des Américains (bombes et missiles de croisière nucléaires), est implicitement présent sur le théâtre et dans l’évaluation irakienne du processus de décision américain ; celui des Irakiens (munitions aériennes et d’artillerie chargées d’agents bio logiques et chimiques), explicitement déployé mais insuffisamment mature, vise à la fois à briser la coalition en entraînant Israël dans la guerre, et à préserver les intérêts vitaux de l’Irak, à savoir le régime de Saddam Hussein et ses principales installations stratégiques.
Dans un tel contexte, les jours qui suivent l’attaque initiale du 17 janvier mettent à l’épreuve tout à la fois la préservation de l’Irak et la crédibilité de la présence américaine au côté de ses alliés dans la région. ♦
(1) Pour en savoir plus, le livre de référence de Valéry Rousset publié aux éditions Decoopman à l’occasion du trentième anniversaire de la guerre du Golfe : La guerre à ciel ouvert. Irak 1991, la victoire rêvée, Decoopman, 2021, 432 p. (www.decoopman.com/cms/guerre_golfe).