S’il est commun de se référer à la stratégie chinoise avec Sun Tsu notamment, il est plus rare d’évoquer la pensée stratégique indienne très peu connue du moins en France, dans la mesure où nous avions été chassés de cet empire par les Britanniques au XVIIIe siècle. À l’inverse, nos amis outre-manche se sont acculturés et ont publié sur cette thématique. Or, aujourd’hui il est important de prendre connaissance du substrat intellectuel dans lequel s’est développée la stratégie indienne. D’autant plus que New Delhi est un partenaire stratégique essentiel pour Paris.
Redécouvrir le grand traité de stratégie indien, l’Arthasastra : les exemples de la guerre indirecte et du renseignement (T 1239)
© Artlana
If it is common to refer to Chinese strategy with Sun Tzu in particular, it is rarer to evoke Indian strategic thinking, which is very little known at least in France, insofar as we had been driven out of this empire by the British in the 18th century. Conversely, our friends across the Channel have acculturated and published on this theme. However, today it is important to get to know the intellectual substrate in which the Indian strategy developed. Especially since New Delhi is an essential strategic partner for Paris.
L’Arthasastra est un traité indien rédigé en sanscrit (ou sanskrit) sur l’art ou la science de la stratégie. Il aurait été rédigé au IVe siècle avant J.-C. par un véritable Machiavel indien, Kautiliya, un conseiller des rois. Le texte n’était connu à l’époque moderne que grâce aux mentions qu’on trouvait à son propos dans des ouvrages de la littérature sanscrite et moyenne indienne (1). On pensait que le texte s’était perdu. Or, en 1905 un pandit anonyme en apporte à Rudrapatna Shamasastry, directeur de la Mysore Governement Oriental Library, un témoignage écrit. Le manuscrit de l’Arthasastra est alors redécouvert.
Depuis 2012, il est au cœur d’un projet de recherche à Delhi au sein de l’Institute for Defence Studies and Analyses, le principal think tank indien en matière de stratégie. Ce projet vise à comprendre comment l’Arthasastra peut nous apporter des grilles de lectures sur l’histoire et la culture stratégique indienne. Évidemment, ce texte ne reflète pas la stratégie indienne contemporaine, mais il peut offrir des clefs d’analyse.
Ayant beaucoup échangé avec ce groupe ces dernières années, nous proposons ici un article sur les enjeux de la guerre indirecte et du renseignement dans l’Arthasastra en nous fondant sur les recherches les plus à jour dans ce domaine. Si le renseignement et la guerre indirecte ont une place de choix dans l’Arthasastra, on ne doit certainement pas oublier qu’il ne s’agit pas d’une originalité propre à ce texte, au regard d’autres textes indiens comme le Bhagavad-Gita (2) et le Rig-Veda (3) qui ont tous deux également abordé ce sujet du renseignement. L’originalité de l’Arthasastra tient dans le fait de ne pas être un texte religieux ou de spiritualité mais un traité de stratégie. Aucun autre texte indien ne décrit avec autant de précision les nombreuses catégories d’acteurs du renseignement. L’Arthasastra est certainement l’un des textes les plus riches concernant l’histoire du renseignement.
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