Le Soudan a connu des heures sombres de guerre civile et de sécession. Peu à peu, une certaine stabilisation a permis une réduction des violences endémiques en faveur d’un début de développement. L’un des enjeux est l’adaptation de l’appareil de défense et sécuritaire dont les réformes nécessitent un soutien de la communauté internationale. Dans un environnement régional complexe, des espoirs sont donc possibles à condition que l’effort soit maintenu dans la durée.
La défense nationale au Soudan à l’ère post-terrorisme (T 1242)
Drapeau du Soudan (© Freepik)
Sudan has known dark times of civil war and secession. Gradually, a certain stabilization allowed a reduction in endemic violence in favor of the beginning of development. One of the challenges is the adaptation of the defense and security apparatus, the reforms of which require support from the international community. In a complex regional environment, hope is therefore possible provided that the effort is maintained over time.
Le lundi 14 décembre 2020, Washington a entériné le retrait du Soudan de la liste noire des États qui soutiennent le terrorisme. Cet événement est analysé par la majorité des plumes avisées sous l’angle diplomatique et politique. Lato sensu, penser la défense nationale dans un État empêtré dans le temps long de la violence militaro-politique peut paraître inintéressant. Cet article vise à restaurer à l’institution militaire soudanaise sa légitimité comme objet scientifique au moment où ce pays a été réhabilité avant la prise de fonction du président Joe Biden.
Le principe du retrait du Soudan de cette liste, dont les conséquences géostratégiques ont été désastreuses, et l’incidence économico-diplomatique négative, avait été énoncé par l’ordre dirigeant étasunien après la normalisation des relations entre le Soudan et Israël (1). Cette détente a elle-même été rendue possible, par les efforts consentis par le Soudan, dès l’ancien régime, pour rompre avec sa politique de docilité envers les tendances djihadistes et ses rapprochements avec les mouvements islamistes radicaux, d’une part ; le paiement d’une indemnité aux victimes des attentats terroristes des ambassades des États-Unis au Kenya et en Tanzanie (2) par le pouvoir actuel, a, d’autre part, permis de sortir progressivement le Soudan du club des États voyous (3). Dès lors, le désenchantement que ce pays a connu du fait de son soutien aux mouvements djihadistes ainsi qu’à la présence du leader d’Al-Qaïda sur son sol de 1992 à 1996, peut-il aujourd’hui céder la place à l’optimisme ? Quel peut être l’impact de cette décote terroriste sur la défense nationale ? Il n’est pas question de refaire l’historiographie de l’institution militaire dans ce pays. Nous nous contentons d’analyser brièvement les curseurs de la sociohistoire contemporaine de l’armée. Le point d’ancrage de la réflexion est l’inscription du Soudan dans la liste noire du terrorisme en 1993, soit quatre ans après l’arrivée au pouvoir d’Oumar el-Bechir.
Ontogenèse et morphogenèse des forces de défense sous l’étiquette terroriste
Les forces armées soudanaises sont la composante principale de l’appareil sécuritaire (4) du pays. En 1989, le leader du Front national islamique au pouvoir imagine un groupe paramilitaire avec la prétention de suppléer totalement l’armée régulière en 2025. Les Forces de défense populaires (Popular defense Forces) sont alors composées de 10 000 hommes en activités et 85 000 en réserve. La logique de calcul tactique consiste pour l’ordre dirigeant de se doter d’une unité de protection dans l’hypothèse de la survenue d’un putsch militaire. Ainsi, le maillage des points stratégiques est assuré par ces forces à Khartoum et principalement dans des garnisons militaires (5). L’ancien régime les a mobilisés dans le cadre de la lutte contre le Sudan People Liberation Movement (SPLM) dans la région du Darfour dès 2003. Lourdement armées, les forces de défenses populaires surnommées les « diables à cheval » ou janjawids, ont exercé une razzia sur les terres et imposaient le paiement des taxes aux populations.
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