Au printemps 2020, un porte-avions de l’US Navy puis l’emblématique Charles-de-Gaulle, malgré les précautions prises, ont été affectés par la pandémie de la Covid-19, obligeant les deux marines à interrompre les missions en cours afin de préserver la santé de leurs équipages. De nombreuses leçons ont ainsi été tirées couvrant tous les aspects de ce risque épidémiologique d’un type nouveau. Les services de santé et le commandement ont ainsi mis en place à la fois des procédures nouvelles et des moyens pour éviter de se retrouver à nouveau en difficulté temporaire.
Covid-19 et forces navales : un passager inattendu à bord (T 1245)
Le porte-avions Charles-de-Gaulle en avril 2019 (© US Navy)
In the spring of 2020, a US Navy aircraft carrier, and the emblematic Charles-de-Gaulle, despite the precautions taken, were affected by the Covid-19 pandemic, forcing the two navies to interrupt the missions in progress in order to preserve the health of their crews. Many lessons have thus been learned covering all aspects of this new type of epidemiological risk. The health services and the command have thus put in place both new procedures and means to avoid finding themselves in temporary difficulty again.
Note préliminaire : Cet article reprend une partie des informations présentées en public par l’auteur à l’occasion de l’International Conference on Disaster and Military Medicine, le 17 novembre 2020 (https://events.military-medicine.com/dimimed/).
Les bâtiments majeurs des forces navales sont depuis la guerre froide protégés contre les risques NRBC (nucléaires, radiologiques, biologiques et chimiques). Ces bâtiments sont capables de se fermer hermétiquement au monde extérieur et de créer une surpression à bord pour empêcher un quelconque toxique de pénétrer et de contaminer l’équipage. Les services de santé militaires savent depuis longtemps que la présence du « B » dans l’acronyme NRBC induit en erreur le commandement. La protection contre le risque biologique ne consiste pas à se protéger de l’air extérieur, mais la plupart du temps à se protéger des autres humains. Les épidémies de la Covid-19 à bord des porte-avions Theodore-Roosevelt et Charles-de-Gaulle en ont été la preuve éclatante.
Le porte-avions américain Theodore-Roosevelt est basé à San Diego sur l’océan Pacifique. Son équipage est au maximum de 5 800 marins, mais lors de sa mission dans le Pacifique ouest en mars 2020, son équipage était compris entre 4 500 et 4 800. Du 5 au 9 mars 2020, le Theodore Roosevelt a fait une escale à Da Nang, au Vietnam. Cette escale est très probablement le point de départ de la première épidémie à Covid-19 décrite sur un bâtiment de guerre. Alors que le porte-avions était en haute mer, un premier cas de la Covid-19 est déclaré à bord le 22 mars. Le 24 mars, trois autres cas étaient rapportés et tous les quatre ont été évacués vers l’île de Guam. Le lendemain, cinq nouveaux cas étaient de nouveaux évacués vers Guam. Il est alors décidé de suspendre les opérations navales et de diriger le porte-avions vers la base navale de Guam. Amarré le 27 mars, l’équipage du Theodore-Roosevelt est alors mis en quarantaine à bord, avec comme seule possibilité de promenade des allers-retours sur le quai. Le 31 mars, plus de cent cas confirmés de Covid-19 sont rapportés. Les autorités de l’US Navy décident de tester tout l’équipage et, le lendemain, d’évacuer le bâtiment. Il a fallu mobiliser toute la base navale et réquisitionner 1 700 chambres d’hôtel sur l’île pour loger tous les marins. Cette évacuation va prendre une dizaine de jours, délai mis à profit par l’équipage pour nettoyer et désinfecter le bord. Le 8 avril, alors qu’un total de 416 cas de Covid-19 est comptabilisé, il y a encore 2 500 marins à bord. Le 13 avril, l’US Navy déplore le seul décès lié à cette épidémie. Le 5 mai, l’ensemble de l’équipage est testé au moins une fois et un cumul de 2 156 cas confirmés de Covid-19 est rapporté. La fin de la quarantaine de l’équipage est prononcée le 14 mai et 2 900 marins sont alors de retour à bord. Le lendemain, une réplique de l’épidémie est observée avec cinq nouveaux cas de Covid-19, testés négatifs auparavant. Ce seront néanmoins les derniers cas de cette épidémie et les opérations navales reprendront le 21 mai après deux mois de suspension (1).
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