Il y a quarante ans, un peu après 18 heures, faisaient irruption dans l’hémicycle des Cortes espagnols un groupe de gardes civils. Le parlement était plein à craquer : gouvernement au grand complet, ensemble des députés, tribunes de presse bondées. L’occasion était solennelle : il s’agissait du débat d’investiture du nouveau président du gouvernement espagnol Leopoldo Calvo-Sotelo. Le 23 février 1981, trois coups d’État sont en marche. Le premier, que tous les téléspectateurs et auditeurs de la radio ont pu vivre en direct, commence à la Chambre par cette irruption et la prise d’otage de tout l’appareil politique du pays.
L'auteur reprend ici le titre du livre de Juan Francisco Fuentes, 23-F 1981. El golpe que acabó con todos los golpes, Madrid, Taurus, 2020. Synthèse la plus récente sur cet événement majeur de l’histoire contemporaine espagnole.
23 février 1981 : le coup qui en finit avec les coups d’État (T 1250)
Le roi Juan Carlos s'exprime à la télévision espagnole, dans la nuit du 23 février 1981 (© Archives, télévision espagnole).
Forty years ago, shortly after 6 p.m., a group of Civil Guards burst into the hemicycle of the Spanish Cortes. The parliament was packed : full government, all deputies, crowded press galleries. The occasion was solemn: it was the investiture debate of the new President of the Spanish Government Leopoldo Calvo-Sotelo. On February 23, 1981, three coups were underway. The first, which all viewers and radio listeners were able to experience live, began in the Chamber with this irruption and the hostage taking of the entire political apparatus of the country.
The author takes here the title of the book by Juan Francisco Fuentes, 23-F 1981. El golpe que acabó con todos los golpes, Madrid, Taurus, 2020. Most recent synthesis on this major event in contemporary Spanish history.
Il y a quarante ans, un peu après 18 heures, faisaient irruption dans l’hémicycle des Cortes espagnols un groupe de gardes civils. Le parlement était plein à craquer : gouvernement au grand complet, ensemble des députés, tribunes de presse bondées. L’occasion était solennelle : il s’agissait du débat d’investiture du nouveau président du gouvernement espagnol Leopoldo Calvo-Sotelo. Son prédécesseur, Adolfo Suárez, avait annoncé sa démission fin janvier. Usé par les divisions internes de son parti (l’Union du centre démocratique), par une situation économique marquée par l’inflation et le chômage ainsi que par les coups du terrorisme basque de l’Euskadi Ta Askatasuna (ETA), Adolfo Suárez jetait l’éponge.
Après avoir piloté la transition démocratique avec le roi Juan Carlos en réussissant à convaincre les oppositions de sa bonne foi, Adolfo Suárez devait faire face à ce que l’on appelait « le désenchantement ». La démocratie coïncidait avec l’envolée des prix et la destruction des emplois. Le terrorisme se déchaînait contre les forces de sécurité et contre l’armée (plus de 80 assassinats entre 1979 et 1980). Dans ces conditions, comment ne pas penser, selon une formule de l’époque, que « sous Franco, on vivait mieux » ? Les libertés politiques, la décentralisation du pays semblaient avoir accentué les difficultés du pays au lieu de les régler.
L’armée, colonne vertébrale du franquisme, était sans aucun doute l’institution espagnole la plus sincèrement déroutée par cette évolution. Elle avait constitué l’esprit du régime et dans sa loyauté au Caudillo, dans sa défense de l’ordre chrétien et anticommuniste, elle avait pensé sauver le pays. Déjà, en 1977, elle avait dû accepter la légalisation du Parti communiste espagnol. Puis, à marche forcée, elle devait accepter une politique de restructuration (les quatre ministères – Armée de terre, Marine, Armée de l’air et Défense – n’en formaient plus qu’un à partir de juillet 1977 ; et en avril 1979, Agustín Rodríguez Sahagún devenait le premier civil ministre de la Défense depuis 1936 !). Le vice-président, le général Manuel Gutierrez Mellado, devenait la bête noire des officiers et ses visites dans les casernes étaient mouvementées et marquées par des incidents graves. Le 6 janvier 1979, dans la traditionnelle cérémonie des vœux aux armées, le roi Juan Carlos dénonce « l’indiscipline et des attitudes franchement irrespectueuses » qui font que « l’armée n’est plus l’armée ». « Une armée qui n’obéit plus ne peut se sauver elle-même » poursuit-il, rappelant le devoir d’obéissance « aveugle » qui est l’essence de l’institution.
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