Le retour de mission de la FAA Jean Bart tourne une page pour la Marine nationale avec la fin de la série des frégates F70 (unités dédiées soit à la défense antiaérienne, soit à la lutte anti-sous-marine). Le retrait du Jean Bart entraîne une diminution du nombre des frégates dites de premier rang, désormais à 13 au lieu des 15 prévues dans la Loi de programmation militaire (LPM) 2019-2025. Le Jean Bart sera remplacé par la première Frégate multimissions de défense aérienne (Fremm-DA), l’Alsace, actuellement en achèvement à flot à Lorient.
Les Frégates antiaériennes Cassard et Jean Bart (T 1254)
FAA Jean Bart (© Yannick Auberger)
The return of the FAA mission Jean Bart turns a page for the French Navy with the end of the series of F70 frigates (units dedicated either to anti-aircraft defense or anti-submarine warfare). The withdrawal of the Jean Bart leads to a reduction in the number of so-called first rank frigates, now at 13 instead of the 15 provided for in the Military Programming Law (LPM) 2019-2025. The Jean Bart will be replaced by the first multi-mission air defense frigate (Fremm-DA), the Alsace, currently being completed afloat in Lorient.
Le 4 mars 2021, la Frégate antiaérienne (FAA) Jean Bart était de retour à Toulon après un ultime déploiement de quatre mois en mission opérationnelle, mettant un terme à près de trente années d’activité depuis son admission au service actif (ASA) en septembre 1991. Le Jean Bart est le jumeau du Cassard, ASA en 1988 et désarmé en 2019 à Toulon.
Ces deux FAA ont, comme successeurs immédiats dans leurs missions opérationnelles, les frégates de défense aérienne (FDA) de type Forbin admises au service actif dans les années 2010. Dans le modèle de Marine, qui comporte quatre unités de lutte antiaérienne, les FAA seront remplacées par les Frégates multimissions de défense aérienne (Fremm/DA) Alsace et Lorraine, construites comme le reste de la série par Naval Group à Lorient. Ces deux nouveaux bâtiments devraient entrer en flotte respectivement en 2021 et 2022.
Une défense aérienne renforcée, une nécessité depuis la Seconde Guerre mondiale
C’est essentiellement, mais non exclusivement, pour assurer la défense antiaérienne des porte-avions que la Marine a développé successivement depuis la Seconde Guerre mondiale plusieurs programmes de bâtiments dotés d’une forte capacité dans ce domaine de lutte. Il fut ainsi décidé de transformer quatre escorteurs d’escadre T47 (Kersaint, Bouvet, Dupetit-Thouars, Du Chayla) entrés en service en 1956-1957. Entre 1961 et 1965, ils furent dotés du système lance-missiles américain Tartar (SM-1). La Marine nationale renforça cette capacité avec les frégates lance-missiles Suffren (1967) et Duquesne (1970), dotées du missile surface-air français Masurca, puis en dotant le croiseur Colbert du même système antiaérien en 1972.
Pour succéder aux escorteurs T47 AA (mais aussi au Colbert retiré du service en 1991), il avait été prévu de lancer un programme de quatre bâtiments, sur la base de la série des corvettes anti-sous-marines (ASM) qui remplaçaient les escorteurs d’escadre ASM des années 1960. On souhaitait apparemment revenir ainsi à la logique jugée plus économique du programme T47, celle d’une seule classe de navires déclinée en deux versions spécialisées : ASM et AA. La série des nouvelles corvettes ASM (bientôt rebaptisées frégates F70 FASM), fut inaugurée par l’arrivée en flotte du Georges Leygues en 1979, suivie par six autres navires. Cependant, au lieu des quatre initialement prévues, seules deux frégates antiaériennes (FAA) vinrent clôturer cette série : le Cassard (1988) et le Jean Bart (1991), armés par un équipage de 250 marins (300 sur les T47 et 125 sur les Fremm).
Une construction contrainte et une fiabilisation laborieuse
Alors que les plateformes des FASM sont propulsées par deux groupes diesel-turbine à gaz Rolls-Royce, il a été jugé nécessaire de changer ce mode de propulsion sur la version AA, essentiellement pour augmenter leur rayon d’action. À cet égard, le diesel est en effet beaucoup plus économique que la turbine à gaz ; de sorte que le choix s’est porté sur deux groupes propulsifs de deux moteurs diesels Pielstick à hautes performances, mais de conception tout à fait expérimentale, moteurs qui furent testés sur l’aviso Commandant l’Herminier à partir de 1983. Quoi qu’il en soit, ce choix allait générer de fortes contraintes sur les FAA, à la fois en termes de volume disponible, mais surtout en matière de fiabilité et de maintenabilité.
Par ailleurs, l’efficacité de la défense antiaérienne impose de placer les antennes radar le plus haut possible sur l’eau, ce qui – compte tenu des masses en cause – affecte la stabilité intrinsèque du navire. Un problème de stabilité s’est ainsi ajouté au surpoids du système propulsif par rapport à la version ASM. La contrainte déjà excessive imposée à la structure initiale de la plateforme a été sensiblement aggravée (5 000 tonnes en service pour environ 3 700 à la conception).
La grande qualité de ces navires était constituée par leur système de direction de combat (le cœur informatique du navire) : ultérieurement réutilisé sur le PA Charles-de-Gaulle à son armement, le SENIT 6 mettait en œuvre, grâce à de multiples automatismes, les nombreux capteurs et systèmes d’armes dans un ensemble particulièrement complexe.
Les capteurs de veille et de désignation d’objectif étaient principalement constitués par un radar de veille air à longue portée V26 C, un radar J11B à balayage électronique pour la désignation d’objectifs (ultérieurement remplacé par le Thales Smart S), un détecteur infrarouge Vampir. L’armement principal était composé d’un système Tartar SM-1 MR provenant des Bouvet et Kersaint, modernisé aux États-Unis. Un système antiaérien de courte portée Sadral (missiles Mistral), un canon de 100 mm, de puissants moyens de guerre électronique passifs et actifs, 8 missiles MM40 Exocet, un sonar de coque, deux tubes lance-torpilles, ainsi qu’une petite plateforme hélicoptères, complétaient leurs puissantes capacités militaires.
Au cours du début de leur vie opérationnelle, la fiabilisation des plateformes de ces deux navires fut laborieuse pour de multiples raisons. Les leçons en furent tirées pour le programme suivant des frégates de défense aérienne Forbin et Chevalier Paul. On retiendra l’erreur que constituait l’idée de réduire a priori le coût du programme en contraignant de façon excessive le tonnage des unités ; mais encore l’impérieuse nécessité de concevoir un bâtiment de combat de façon globale, à partir d’abord d’une plateforme propulsée robuste et fiable, dans laquelle doivent être harmonieusement intégrés les nombreux systèmes complexes qui lui confèrent sa pleine capacité militaire.
Des bâtiments fortement armés, engagés sur tous les théâtres de crise et de guerre
Malgré ces handicaps, les Cassard et Jean Bart ont connu une activité opérationnelle soutenue. Leurs puissantes capacités militaires ont été mises à profit dans pratiquement tous les conflits à composante maritime de ces trente dernières années, en participant notamment aux opérations aéronavales autour des porte-avions, y compris américains. Les FAA ont ainsi été déployées essentiellement en Méditerranée orientale, en mer Rouge, dans le golfe Persique et en océan Indien.