Union européenne (© Flickr)
L'autonomie stratégique européenne, concept clé pour garantir l’indépendance décisionnelle de l’Union européenne (UE) dans des domaines cruciaux, dépasse le simple cadre de la défense, bien qu’elle y trouve son origine. La pandémie de Covid-19 a révélé la vulnérabilité de l’UE, soulignant l'urgence d'une autonomie dans des secteurs tels que le numérique, la santé, le spatial et la transition énergétique. Toutefois, cette autonomie ne signifie pas rupture avec la mondialisation ni protectionnisme, mais la capacité de coopérer tout en affirmant ses propres intérêts. Le défi pour l'UE réside dans la définition des priorités stratégiques et dans la conciliation entre souveraineté nationale et fédéralisme européen, permettant de construire une entité autonome et influente sur la scène internationale.
How to Define European Strategic Autonomy? (T 1272)
European strategic autonomy, a key concept for ensuring the EU's decision-making independence in critical areas, goes beyond defense, even though it originated there. The Covid-19 pandemic exposed the EU's vulnerabilities, highlighting the urgency of achieving autonomy in sectors such as digital technology, health, space, and energy transition. However, this autonomy does not imply a break from globalization or a turn to protectionism but rather the ability to cooperate while asserting its own interests. The challenge for the EU lies in defining strategic priorities and reconciling national sovereignty with European federalism, enabling the construction of an autonomous and influential entity on the international stage.
« Il faut en finir avec l’illusion d’une autonomie stratégique européenne. Les Européens ne pourront pas remplacer le rôle capital qu’ont les États-Unis en tant que garants de leur sécurité ». Ces propos publiés quelques jours avant l’élection américaine par la ministre allemande de la Défense, Annegret Kramp-Karrenbauer, alors présidente de l’Union chrétienne-démocrate (CDU), avaient fait l’effet d’une bombe dans la relation franco-allemande : pétard mouillé contre la vision française de la relation transatlantique ou « engin explosif identifié » contre la politique officielle de l’Union européenne en matière de défense ? Peut-être ni l’un ni l’autre, mais plus probablement un appui maladroit, si ce n’est intempestif, à la candidature de Joe Biden… – et ce d’autant plus que, lors d’une visioconférence organisée récemment par l’Institut français des relations internationales (Ifri), Mme Kramp-Karrenbauer a quelque peu nuancé ses déclarations sur le sujet. Quoi qu’il en soit, cette prise de position vient à point nommé dans une période où, bien au-delà de la question de la défense de l’Union européenne, est posée celle de sa capacité à rester maîtresse de son destin dans tous les domaines stratégiques.
Car c’est bien de cela qu’il s’agit désormais. Les multiples répercussions de la pandémie et les immenses bouleversements qu’elle provoque et provoquera dans les années à venir, ont créé un choc que l’on doit espérer salvateur pour l’avenir de l’Union et qui a mis en évidence sa vulnérabilité actuelle, dans le domaine sanitaire, bien sûr, mais dans bien d’autres, notamment dans la quasi-totalité des activités économiques du continent.
Comme toutes les entités géopolitiques dans le monde, l’Union européenne est tributaire de la mondialisation. Celle-ci porte sur tous les domaines de l’activité humaine. L’illusion – là le terme est adapté – serait de penser que la mondialisation c’est du passé et que l’Europe pourrait vivre en autarcie. L’écologie outrancière de certains de nos compatriotes peut évidemment faire rêver d’une France totalement indépendante des échanges mondiaux ou d’une Europe veillant jalousement sur son pré carré aussi bien pour son économie et son mode de vie que pour son industrie, son agriculture, son énergie et même sa culture. Force est de constater que l’interdépendance des États et l’imbrication de chacun dans le marché mondial règlent l’activité humaine et continueront à régir le commerce international en dépit de tous les souhaits – au demeurant légitimes – d’émancipation et de retour à l’autarcie régionale.
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