Le mardi 20 avril 2021, la marine indonésienne a perdu le sous-marin Nanggala avec son équipage de 49 marins et ses 4 passagers. Son épave a été retrouvée brisée en trois morceaux par 850 m de fond, au nord de l’île de Bali.
Le naufrage du sous-marin indonésien Nanggala (T 1276)
Le Nanggala en mer de Java en 2015 (photo : US Navy)
On Tuesday, April 20, 2021, the Indonesian Navy lost the Nanggala submarine with its crew of 49 sailors and 4 passengers. Her wreckage was found broken into three pieces at 850m depth, north of the island of Bali.
Le sous-marin d’attaque indonésien à propulsion diesel-électrique SSK Nanggala a sombré le mardi 20 avril 2021 et son épave, brisée en trois morceaux, rapidement retrouvée par 850 m de fond, au nord de l’île de Bali. Cet accident vient endeuiller un pays et sa marine, et compléter la longue liste des sous-mariniers, morts en service commandé. Ainsi, 14 marins russes ont péri le 1er juillet 2019, intoxiqués suite à un incendie en plongée dans un « véhicule submersible de recherche » (sans plus de précision, car classé secret d’État par les autorités russes) (1) et le 17 novembre 2017, 44 marins argentins ont disparu à bord du S-42 San Juan localisé par 850 m de fond un an après sa disparition provoquée a priori par une explosion des batteries en plongée (2).
Avec initialement cinq « type U209 » dans son ordre de bataille (deux, dont le Nanggala, construits en Allemagne et livrés en 1981, et trois construits en Corée du Sud livrés entre 2016 et 2021) l’Indonésie fait partie des 42 marines qui se partagent une flotte mondiale d’environ 500 unités. La grande majorité sont des sous-marins d’attaque à propulsion diesel-électrique, seules six nations ayant des marines à vocation hauturières possèdent aujourd’hui des sous-marins lanceurs d’engins nucléaires (SNLE ou SSBN) : la France (4), le Royaume-Uni (4), la Chine (4), l’Inde (1), la Russie (13) et les États-Unis (14) ; et une centaine de sous-marins nucléaire d’attaque (SNA ou SSN/SSGN) : France (6), Royaume-Uni (7), Russie (28), États-Unis (54), Chine (6).
L’Asie du Sud-Est a vu son nombre de sous-marins augmenter de 300 % en vingt ans : force est de constater que les nations membres de l’Otan possèdent seulement un tiers des sous-marins et ce ratio baisse en sa défaveur chaque année. Les rivalités entre les pays côtiers de la mer de Chine concernent la possession d’îlots non habités comme ceux des récifs coralliens Spratley et Paracels, mais ce sont surtout les eaux territoriales et les plateaux continentaux que les pays se disputent. Ces zones potentiellement riches en gaz, en pétrole et en ressources halieutiques, ainsi que les détroits qui les desservent sont vitaux pour le commerce de la région. Le détroit de Malacca concentre à lui seul 25 % du trafic maritime mondial. Dans ce cadre, les nations du Sud-Est asiatique renforcent leur flotte de sous-marins avec des performances (notamment en termes de discrétion et de capacité des systèmes d’armes) qui augmentent le niveau de risque et peuvent constituer une menace surtout pour les mégalopoles côtières, les flux d’approvisionnement et la sécurité des flottes militaires même si cette capacité est utilisée essentiellement comme arme de déni d’accès à leurs zones maritimes.
Comme après chaque accident, se pose la question des causes. Et comme les derniers accidents nous le rappellent, malgré sa haute technologie, un sous-marin reste soumis à trois grandes menaces pour son intégrité : l’incendie, la voie d’eau et l’explosion, pyrotechnique ou non. L’erreur humaine est rapidement écartée par le chef d’état-major des armées indonésiennes, la classe U209 est réputée fiable et n’a pas connu d’incident récent. Le feu/explosion dans le compartiment des armes reste donc une hypothèse plausible, le Nanggala n’ayant plus donné de signe de vie alors qu’il se préparait à un tir d’essai de torpille lors de manœuvres navales.
Dès l’aube, le 21 avril, l’Indonésie a activé ISMERLO (3), cellule de diffusion d’alerte des événements de sécurité plongée et de coordination des opérations de sauvetage de sous-marin. Placée auprès de MARCOM (Allied Maritime Command de l’Otan situé à Northwood au Royaume-Uni), elle répertorie notamment les moyens de toutes les Nations dotées de systèmes de sauvetage. Compte tenu de l’étendue des zones de déploiement, de la difficulté à projeter des moyens lourds et des exigences de réactivité en matière de sauvetage sous-marin, ce sont d’abord la diffusion de l’alerte, la mobilisation de moyens du théâtre concerné et enfin, la standardisation des équipements comme des procédures, qui font le succès de ces opérations. Cependant les moyens de secours mondiaux actuellement connus sont tous limités à environ 600 m.
L’Indonésie a commencé les recherches avec un navire hydrographique doté d’un sondeur multifaisceaux puis a rapidement accepté l’offre d’une frégate australienne sur zone ainsi que d’un navire singapourien et son équipe médicale hyberbariste. L’Inde a envoyé un navire spécialisé depuis Visakhapatnam à cinq jours de mer du lieu de l’accident et d’autres pays, dont la France, ont également proposé leur assistance (États-Unis, Allemagne, Turquie, Russie) démontrant, si besoin en était, la solidarité internationale des marines.
La mort des 49 marins de son équipage et des 4 passagers a été officiellement confirmée le dimanche 25 avril 2021 par les autorités indonésiennes après avoir formellement identifié l’épave du Nanggala par un véhicule sous-marin téléguidé (ROV). L’Indonésie souhaite remonter l’épave afin de récupérer les corps de ses marins et procéder à une enquête approfondie pour éviter que ce drame ne se reproduise. ♦
(1) NDLR : Pellistrandi Jérôme, « 14 morts lors d’un incendie dans un sous-marin russe », Brève du 3 juillet 2019 (https://www.defnat.com/e-RDN/affiche_breve.php?cid=207).
(2) International Submarine Escape and Rescue Liaison Office (https://ismerlo.org/).
(3) NDLR : Lamidel Thibault, « La perte du San Juan, une tragédie pour l’Argentine » (Tribune n° 950), RDN, 28 novembre 2017, 4 pages.