Le think tank RAND Corporation a présenté un rapport intéressant sur les armées françaises. Il y a ici matière à réflexion sur le rôle et la place de la France dans l’Otan. Une contribution pour alimenter un débat nécessaire et utile alors que la campagne présidentielle démarre et qu’il est important de réfléchir aux grands enjeux de notre politique de défense pour les années à venir.
Rapport de la RAND sur l’Armée française : l’avant-dernier clou du cercueil ? (T 1299)
The think tank RAND Corporation presented an interesting report on the French armies. There is food for thought here on the role and place of France in NATO. A contribution to fuel a necessary and useful debate as the presidential campaign begins and it is important to reflect on the major challenges of our defense policy for the years to come.
Les rapports de la RAND Corporation sur l’Armée française se suivent et ne se ressemblent pas. En 2014, elle avait publié une étude sur Serval qui avait laissé les Américains pantois, eux qui découvraient notre guerre légère, imposée certes par des moyens limités mais fidèle à nos traditions (1). Intérêt à l’époque très relatif, puisque nous relevions que dans le même temps « la Quadriennal Defense Review 2014 nous ignore, ne nous citant qu’une fois en légende de photo comme complément de la composante africaine en RCA, ce qui nous ramène à 1991 où, dans l’ordre de bataille du Pentagone, la division Daguet n’était que la force d’appoint du 30e Corps d’armée égyptien ». Sept ans plus tard, nous n’intéressons de nouveau la RAND – et le Pentagone commanditaire du rapport – que comme force d’appoint dans la guerre annoncée sur le théâtre européen.
Nach Moskau!
La France est, dès le titre, embarquée dans la nouvelle croisade du monde libre face au péril slave. « France could support a U.S.-led war effort in Eastern Europe now or in the next ten years. The French are practiced in joint operations, which surely would be a requirement in a conflict against Russia. » Nous voici revenus à cette vieille couverture du magazine Collier’s du début des années 1950, montrant un GI aux couleurs américaine et onusienne devant une carte indiquant Moscou comme quartier général des forces d’occupation occidentales. La chose semble acquise : les tankistes de Poutine ont acheté les cartes Michelin qui les mèneront jusqu’aux bords de Seine sur les traces des cosaques d’Alexandre Ier. Aurions-nous manqué un épisode ?
La RAND s’interroge tout de même : « Is Russia a French Strategic Priority? ». Sans doute pas, vu que « a large-scale conventional war with Russia in that region is generally considered unlikely ». Les Français, en cette année de Bicentenaire napoléonien, se souviennent surtout de ce que Bernard Montgomery répondit à un journaliste qui mettait en doute ses compétences stratégiques : « Je sais au moins une chose, qu’il ne faut jamais prendre la route de Moscou ». Il semble que cette première et peut-être unique leçon de l’art de la guerre soit oubliée du Pentagone. Mais si les Français ont planté leur drapeau sur les tours du Kremlin en 1812, pourquoi pas la bannière étoilée ? Nous allons donc faire la guerre aux Russes, une guerre de haute intensité comme on dit dans les colloques, que ça plaise ou non aux Français. La RAND ne s’interroge même pas, commettant l’erreur habituelle sur les pouvoirs ou plutôt l’absence de pouvoirs de guerre du président de la République (2), et l’adhésion supposée des Français qui n’est que de l’indifférence à des guerres pour lesquelles ils ne sont plus consultés.
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