La prise de Kaboul par les Taliban marque un tournant dans l'histoire mondiale. Dans ce Billet, le rédacteur en chef revient sur les bouleversements mondiaux induits et rappelle les grands enjeux géopolitiques qui menacent l'ordre mondial, l'Occident devant prendre conscience de cette nouvelle donne géopolitique.
Billet – La chute de Kaboul : la fin d’un ordre (T 1307)
(© Herreneck / Adobe Stock)
The capture of Kabul by the Taliban marks a turning point in world history. In this post, the editor-in-chief returns to the induced global upheavals and recalls the major geopolitical issues that threaten the world order, the West having to become aware of this new geopolitical deal.
Kaboul depuis hier, saisi sans coup férir par les Taliban sûrs de leur victoire et de leur ascendant sur la population d’un pays qui ne fut jamais une nation et dont l’État était incapable de prendre en compte les aspirations de ses ethnies – malgré les milliards déversés par la communauté internationale et notamment les États-Unis. Sanaa et sa région déchirés depuis des mois avec des Yéménites qui ne cessent de se battre sous fond de rivalités internes alimentées et exploitées par l’Arabie saoudite et l’Iran qui, par ailleurs ne compte pas baisser la garde dans sa course au nucléaire militaire ; Beyrouth, sans État, où les politiques préfèrent le naufrage collectif plutôt que de perdre la face ; un Sahel tenu à bout de bras par la France ; Al Qaïda, par-là, poursuivant sa gangrène et ses conquêtes idéologiques ; Daech, entre Syrie et Irak, subsistant tel un scorpion dans le désert ; le nord du Mozambique fragilisé par des « franchises » se réclamant d’Al Qaïda ; des États empires, aux nouvelles ambitions comme la Chine ou la Turquie néo-ottomane, conscients désormais que le modèle occidental, qui prévalait depuis le XVIIIe siècle, est désormais obsolète, que la démocratie ne sert à rien, et que seuls les pouvoirs forts comme les « démocratures » sont capables de diriger un pays, que ce soit via la Charia pour les Taliban en Afghanistan ou un autre mode de gouvernance, avec un Parti omniprésent comme en Chine, voire une répression immédiate de toute opposition grâce, notamment, à l’outil numérique, et à l’intimidation des rares opposants comme en Russie.
Triste bilan avec des États-Unis qui ont perdu depuis longtemps leur capacité d’attraction, où les excès du wokisme et de la revendication identitaire et genrée ont détruit l’espace de réflexion intellectuelle et de liberté que constituaient les universités, avec une Europe juste capable de produire des normes contraignantes et improductives au final, sans aucun projet fédérateur, avec des opinions publiques en France qui crient à la « dictature sanitaire » sans se rendre compte que la pandémie de la Covid-19 est une réalité avec ses cortèges de deuils et de souffrance. Qu’ils aillent à Kaboul ou à Téhéran, ou encore à Pyongyang ! Avec des gens qui pensent sauver le monde en imposant la trottinette et le régime vegan et qui ne voient pas que le monde brûle, certes du réchauffement climatique, qui est une réalité avérée et urgente, mais surtout de la violence et des haines alimentées par une idéologie totalitaire et combattante. Avec des responsables européens ne voyant pas que le monde a basculé vers l’Indo-Pacifique et que les règles du jeu ont changé en privilégiant désormais la loi du rapport de force et de la puissance brute. On se dirige vers une néo-féodalisation où les États les moins construits et les plus dépendants vont chercher la protection d’un État suzerain, quitte à se voiler la face sur certaines contraintes et accepter une souveraineté limitée comme lorsque l’URSS contrôlait l’espace est-européen, laissant des miettes aux « démocraties populaires ». À y regarder de plus près, on retrouve le grand mécanisme de l’Histoire avec ses conquêtes, ses frontières défaites et refaites et ses peuples asservis par d’autres. L’illusion de l’égalité des nations est désormais bien morte. Ce mouvement est désormais irréversible, ne serait-ce que par les déséquilibres démographiques et économiques entre des territoires désormais en concurrence.
L’Europe, dont la France, doit se rendre compte que l’espace de liberté et de prospérité qui a été créé depuis 1945 et étendu à partir de 1989 est plus que jamais menacé. Il doit être protégé sans se replier sur soi. Aucune citadelle n’est imprenable, disait Vauban, mais en acceptant de payer le prix pour sa défense, en prenant sa part de responsabilité, y compris militaire, et pour cesser de rester aveugle face aux fracas du monde.
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