Même si l’administration Biden a bénéficié d’un accueil amical de la part des Européens brutalisés par la précédente administration Trump, les pratiques américaines n’ont pas beaucoup changé avec une approche privilégiant America first et un dédain poli vis-à-vis des Alliés. La récente crise franco-américaine provoquée par l’annonce de l’alliance AUKUS en est un exemple significatif, à peine quelques semaines après le retrait précipité et non concerté des forces américaines depuis Kaboul. De fait, cela signifie une moindre attention de la part de Washington envers l’axe euro-atlantique, la Maison-Blanche étant entièrement focalisée sur la nouvelle guerre froide avec la Chine.
L’Amérique, homme malade de l’Otan (T 1319)
Membres de l'Otan (© Evgenia, Adobe Stock)
Although the Biden administration enjoyed a friendly welcome from Europeans bullied by the previous Trump administration, American practices have not changed much with an America first approach and a polite disdain for Allies. The recent Franco-American crisis caused by the announcement of the AUKUS alliance is a significant example of this, just a few weeks after the hasty and uncoordinated withdrawal of American forces from Kabul. In effect, this means less attention from Washington towards the Euro-Atlantic axis, with the White House fully focused on the new Cold War with China.
Deux crises successives – Afghanistan et contrat australien – viennent donc d’ébranler les fondations de l’Alliance atlantique. Sur le court terme, les choses sont rentrées dans l’ordre et l’ire européenne, très théâtralisée, n’aura duré que quelques semaines : serment de moutons de tenir devant le loup, écrivait jadis Ardant du Picq. Et les États-Unis ont une nouvelle fois évité que les Européens se posent la question qui importe : si l’Otan ne sert à rien, à quoi peut servir l’Amérique ?
Quand le doigt montre la Lune…
Nous avons bien sûr eu droit aux commentaires habituels et convenus, depuis le énième constat d’un déclin américain jusqu’au déterminisme historico-géographique de comptoir sur le thème d’un Afghanistan cimetière des empires. Les mêmes qui glosaient sur l’hyperpuissance et le moment unipolaire, mots vides de sens mais qui font joli dans une copie de Sciences Po, n’ont pas eu de mots assez durs pour voir dans ce Dunkerque revisité (qui aura encore coûté la vie, dans les dernières heures, à 13 militaires américains et 7 enfants afghans) non seulement la défaite de l’Amérique mais la faillite de l’Occident. Les médias ont donné la parole aux éternels imbéciles qui ne comprennent toujours rien, comme Niall Ferguson, Paul Kennedy ou l’inénarrable Francis Fukuyama, même si ceux-là ont fini par admettre l’ineptie du concept de nation building, puisque « c’est une folie à nulle autre seconde, que vouloir se mêler de corriger le monde » (Molière).
De leur côté, au terme de deux décennies de valetage taiseux, les Européens ont dénoncé sur le tard, qui l’instauration à Kaboul en 2004 d’une constitution bricolée sur le modèle présidentiel à l’américaine qui ne fonctionne déjà pas sur les rives du Potomac, qui la brutalité d’une armée américaine dont on ne voit pas pourquoi, contrôlant une famille afghane à un check point, elle l’aurait fait différemment d’un policier blanc contrôlant un jeune noir dans une rue de Memphis. Les mêmes Européens se sont rendu compte – alors qu’il leur suffisait de lire n’importe lequel des 52 rapports trimestriels du SIGAR (Special Inspector General for Afghanistan Reconstruction), ou les rapports de la RAND Corporation dès 2008 (1) – que l’armée afghane n’existait même pas sur le papier, ou que les 75 000 véhicules livrés par le complexe militaro-industriel n’avaient servi qu’à siphonner dix ans durant les feuilles d’impôts du contribuable américain.
Il reste 84 % de l'article à lire