Le conflit israélo-palestinien, qui a été au cœur des problématiques du Proche-Orient pendant des décennies, est aujourd’hui largement relégué au second plan. Les récentes avancées diplomatiques entre Israël et les États du Golfe – liées à la position iranienne – devraient désormais permettre de relancer le processus de paix dans la région. La France et l’Union européenne auraient intérêt à s’y investir et accompagner une évolution qui est de toute façon inéluctable, tout en contribuant à un dialogue, certes difficile, mais indispensable.
Engager les pays du Golfe à relancer le processus de paix au Proche-Orient (T 1342)
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The Israeli-Palestinian conflict, which has been at the heart of Middle East issues for decades, is now largely relegated to the background. Recent diplomatic advances between Israel and the Gulf States – linked to the Iranian position – should now help to revive the peace process in the region. France and the European Union would benefit from investing in it and supporting a development that is in any case inevitable, while contributing to a dialogue, which is certainly difficult, but essential.
Aux yeux de la plupart des observateurs, le dossier israélo-palestinien est enlisé et sans véritable perspective de règlement. En effet, il est devenu marginal par rapport à la question iranienne au Moyen-Orient. Par ailleurs les Palestiniens sont divisés entre ceux de Cisjordanie (Fatah) et ceux de Gaza (Hamas) ; le président Mahmoud Abbas n’a plus beaucoup de crédibilité et le soutien des gouvernements arabes s’effrite (accords d’Abraham).
En face, Israël a renforcé ses positions diplomatiques avec la reconnaissance américaine de Jérusalem comme capitale de l’État hébreu et l’établissement de relations diplomatiques avec les Émirats arabes unis (EAU), Bahreïn, le Maroc et le Soudan. Même si une normalisation avec l’Arabie saoudite n’est pas d’actualité, les contacts officieux entre Riyad et Tel-Aviv se sont également développés, face à ce qui est perçu comme la menace iranienne. Par ailleurs, le nouveau gouvernement israélien poursuit la colonisation de la Cisjordanie et l’opinion publique israélienne s’est « droitisée », n’envisageant plus réellement la création d’un État palestinien. Au mieux, il s’agit pour les autorités de Tel-Aviv de la gestion d’un « conflit de basse intensité ».
Dans ces conditions, toute tentative de relancer le processus de paix au Proche-Orient paraît illusoire ou, à tout le moins, peu prioritaire dans l’agenda diplomatique international.
Pourtant, les graves incidents de l’été dernier entre Israël et Gaza ont montré que la tension entre Israéliens et Palestiniens n’avait pas disparu, que le traitement des Palestiniens demeurait peu acceptable sur le plan des droits de l’Homme, et que les arabes israéliens n’avaient pas renoncé à leur identité palestinienne.
L’absence de solution porte donc le germe d’un conflit, à terme, entre deux communautés de taille équivalente, dont seule l’une serait pleinement israélienne.
Cette situation demeure un facteur de tension régionale et reste perçue par les opinions publiques arabes comme une humiliation, qui est exploitée tant par le régime iranien que par les djihadistes.
La voix de la France, autrefois claire et appréciée sur ce sujet, n’est plus très audible, ce qui est regrettable. Rappelons que la « politique arabe » de notre pays, initiée par le général de Gaulle à l’occasion de la visite à Paris du roi Faiçal d’Arabie en 1967, comportait un soutien marqué aux droits du peuple palestinien. Certes, la situation diplomatique sur le terrain a beaucoup évolué depuis, il est donc impératif de prendre en compte les nouvelles réalités. Mais à ce titre précisément, le centre de gravité du monde arabe s’est déplacé vers le Golfe, région où nous avons des amis et des enjeux importants.
Les EAU et Bahreïn ont reconnu Israël et coopèrent avec lui ; l’Arabie saoudite a des intérêts convergents avec l’État hébreu, face à l’Iran, et s’intéresse à la technologie israélienne ; le Qatar a également des contacts officieux avec Israël ; le Koweit et Oman sont disposés à entreprendre des médiations. Aussi, tout en continuant naturellement à nous concerter avec la Jordanie, l’Égypte et le Maroc qui – à des titres divers – sont des acteurs incontournables dans le conflit israélo-palestinien, il est de notre intérêt, me semble-t-il, d’envisager avec les États du Golfe une initiative sur ce sujet, afin de contribuer à la stabilité régionale.
On sait que les EAU se préoccupent de la succession de Mahmoud Abbas, en soutenant Mohammed Dahlan (ou Majed Faraj ?). Le Qatar a conservé ses liens avec le Hamas et les Frères musulmans. L’Arabie veillera à ce que la question des lieux saints de Jérusalem ne soit pas « oubliée » dans toute solution équitable.
Les pays du Golfe ont par ailleurs les moyens financiers de faciliter un rapprochement entre factions palestiniennes, pour qu’Israël ait en face de lui un interlocuteur crédible. La modération et le pragmatisme des États du Conseil de coopération des États arabes du Golfe (CCEAG), associés à leurs bonnes relations avec Washington, devraient permettre de définir une position raisonnable quant aux conditions de création de l’État palestinien, aux côtés d’Israël.
II serait donc dommage que les Européens – premiers donateurs d’aide aux Palestiniens – et la France en particulier – le pays européen le plus actif politiquement au Moyen-Orient – ne soient pas activement associés à cette relance du processus de paix au Proche-Orient. Aussi serait-il opportun que cette question soit un des sujets de coopération abordés lors de la prochaine visite du président de la République dans le Golfe, qui devrait avoir lieu du 2 au 4 décembre 2021. ♦