Avec la fin annoncée de l’opération Barkhane et les négociations en cours entre la junte malienne et le groupe Wagner, la Russie s’engagera-t-elle au Mali ? Afin de comprendre les facteurs pouvant conduire à une intervention russe dans ce pays, cet article propose une comparaison du cas malien avec le cas centrafricain, principal laboratoire de la projection russe en Afrique subsaharienne, tant dans les domaines militaire que politique ou informationnel.
Fin de l’opération Barkhane : la Russie va-t-elle remplacer la France au Mali ?
Réflexion sur le futur de l’influence russe au Mali à l’aune du cas centrafricain (T 1356)
Réflexion sur le futur de l’influence russe au Mali à l’aune du cas centrafricain (T 1356)
Adaptation de l'opération Barkhane au Mali (EMA, décembre 2021)
With the announced end of Operation Barkhane and ongoing negotiations between the Malian junta and the Wagner Group, will Russia engage in Mali ? In order to understand the factors that could lead to Russian intervention in this country, this article offers a comparison of the Malian case with the Central African case, the main laboratory of Russian projection in sub-Saharan Africa, in the military, political and informational fields.
Note préliminaire : une version de cet article a été préalablement publiée sur le site de l’association Sciences Po Défense et Stratégie, en novembre 2021 (https://spds.fr/).
Le 10 juin 2021, le président Emmanuel Macron annonçait une « transformation profonde de [la] présence militaire [française] au Sahel » lors d’une allocution télévisée (1). La France, présente au Mali depuis 2013 avec l’opération Serval puis Barkhane, va donc modifier en profondeur son dispositif militaire dans le pays, ce qui « traduira la fin de l’opération Barkhane telle que nous la connaissons aujourd’hui » (2). Ainsi, les effectifs de Barkhane (5 300 militaires en juin 2020) devraient être réduits de moitié à l’horizon 2023. Plusieurs bases militaires dans le Nord du Mali devraient être fermées (Kidal, Tessalit, Tombouctou) et les efforts français seront davantage centrés sur « le partenariat opérationnel et la coopération (3) ». Si le terme de « désengagement » est proscrit dans la communication de l’Élysée et du ministère des Armées, nombre d’observateurs y voient bel et bien un désengagement français de la région alors que la sécurité n’a pas été rétablie, en dépit des succès tactiques régulièrement obtenus par l’armée française (4).
L’annonce de cette transformation du dispositif militaire français au Sahel intervient dans un contexte de montée d’un « sentiment anti-français » dans la région, particulièrement au Mali où différentes manifestations hostiles à la France ont été organisées depuis 2018. Leur particularité est qu’elles font appel ouvertement à la Russie pour remplacer Barkhane, « laissant planer le doute sur une influence accrue de Moscou au Mali et sur une prise de contact de ses agents avec des activistes locaux », selon les mots du chercheur Maxime Audinet, auteur d’une étude sur l’influence informationnelle russe en Afrique subsaharienne francophone (ASF) (5). En réponse, le président Emmanuel Macron a publiquement pointé du doigt « la stratégie à l’œuvre […] des puissances étrangères, comme la Russie et la Turquie, qui jouent sur le ressentiment postcolonial » dans les colonnes du magazine Jeune Afrique en novembre 2020 (6).
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