Rapprochement entre l’Arabie saoudite et la Chine (T 1374)
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Lors du premier salon de l’armement World Defense Show, qui s’est tenu à Riyad du 6 au 9 mars 2022, la société saoudienne Advanced Communications & Electronic Systems Company et le groupe chinois CETC (China Electronics Technology Group Corp.) ont signé un accord pour produire des drones dans le royaume.
Au sein de cette joint-venture, appelée Aerial Solutions, CETC établira un centre de recherche et de développement, qui construira différents types de systèmes UAV (Unmanned Aerial Vehicle) : communications, contrôle de vol, caméra, radars et systèmes de détection sans fil.
Aerial Solutions vise à développer des drones électriques à décollage vertical, des solutions anti-drones, des systèmes d’analyses, des éléments d’hélicoptères et de radars. L’objectif est de localiser en Arabie saoudite l’innovation technologique à travers la recherche scientifique, la production et la formation d’ingénieurs saoudiens.
Ce n’est certes pas le premier contrat sino-saoudien – sans parler des missiles – dans le secteur des drones, puisqu’en 2017 l’Arabie saoudite avait déjà commandé des Wing Loong II. Et la China Aerospace Science and Technology Corporation avait également conclu un partenariat avec la King Abdelaziz City for Science and Technology (KACST) pour construire en Arabie une installation dédiée aux drones.
Le montant du contrat signé lors du salon de Riyad n’a pas été révélé, mais l’agence chinoise Xinhua a décrit cet accord comme « le plus important jamais conclu » en matière d’exportation d’armement chinois.
Il est difficile de ne pas faire un lien entre cette annonce et les propos, rapportés par The Atlantic (1), du prince héritier saoudien selon lesquels il « n’accorde pas d’importance » (I don’t care) à l’attitude de réserve du président Biden à son égard, que l’Arabie saoudite pourrait réduire ses investissements aux États-Unis (évalués selon lui à 800 Mds$) et que si les Américains manquaient les opportunités offertes par le royaume, « d’autres pays à l’Est en seraient très heureux », avec une allusion claire à la Chine.
Naturellement, il faut faire la part du langage parfois « bravache » du prince héritier saoudien, et il est clair que l’Arabie demeure dépendante encore aujourd’hui politiquement, militairement et technologiquement des États-Unis.
Mais le fait que Riyad ait refusé de répondre positivement à la demande du président Biden d’accroître sa production pétrolière dans le contexte de la crise ukrainienne et ait confirmé vouloir s’en tenir à l’accord OPEP+ avec la Russie montre que les autorités saoudiennes entendent désormais monnayer leurs relations avec l’administration Biden, notamment en n’hésitant pas à développer leurs relations avec la Chine – qui est déjà leur premier client et partenaire commercial – y compris dans les domaines de l’armement et de la haute technologie.
C’est une nouvelle étape de franchie dans l’émancipation de l’Arabie saoudite – mais aussi des Émirats arabes unis (EAU) – vis-à-vis de leur protecteur américain, en tout cas de l’administration Biden. La question reste ouverte dans l’hypothèse d’un retour au pouvoir des Républicains à Washington. ♦
(1) Wood Graeme, « Absolute Power », The Atlantic, 3 mars 2022 (www.theatlantic.com/).