Le 15 avril 2022 marque les 70 ans de la mise en service opérationnel de l'avion B-52 Stratofortress de l'US Air Force. À cette occasion, Philippe Wodka-Gallien revient sur l'histoire de cet avion qui a traversé 70 ans de progrès technologiques et de transformations stratégiques, de la crise des missiles de Cuba en 1962 à celles du temps présent et à venir.
B-52 Stratofortress : 70 ans aujourd’hui (T 1379)
B-52H (© USAF) Élément du Global Strike Command, le B-52 dispose de toute la palette des armes air-sol de l’US Air Force : bombes conventionnelles JDAM à guidage GPS, missiles de croisière à charge classique ou nucléaire, plus des missiles antinavires Harpoon. Il embarque un pod-laser pour l’appui feu. Son avionique lui permet d’être connecté aux architectures info-centrées.
Barksdale Air Force Base, Floride, 15 avril 2052. Tout ce que Washington compte de sommités, du Capitol au Pentagone, n’aurait pour rien au monde manqué cette journée et son ambiance festive prompte au networking. Sur le carton d’invitation en lettres d’or, sous les insignes des États-Unis et du Strategic Air Command : le Président des États-Unis vous convie à la cérémonie d’adieu du bombardier B-52 Stratofortress de l’US Air Force. Sous le soleil de Floride, le Président des États-Unis prend la parole. Dans le carré VIP, le président de Boeing, l’avionneur de Seattle qui fut sélectionné par l’US Air Force face au projet de Convair et à l’aile volante de Northrop. La Revue Défense Nationale est présente, forcément. Voilà comment se déroulera peut-être la cérémonie d’adieu au bombardier stratégique B-52 Stratofortress, clôturant ainsi un siècle de service au sein des unités stratégiques de l’US Air Force. À l’origine du projet, le besoin de disposer d’un bombardier intercontinental en vue de prendre la suite du B-36, lourd et lent. Le B-52 sera lourd toujours, mais endurant et rapide. Les premiers dessins remontent à 1946 ! Ses huit moteurs lui permettent de voler dans le haut subsonique. Sa cellule offre de multiples marges de modernisation. Ce jour d’avril 2022, l’avion célèbre ses 70 ans. Devant lui encore, 30 ans de service opérationnel avant la retraite. En ce jour anniversaire, un petit point s’impose sur la légitimité de cet instrument de défense et ses capacités militaires.
Le B-52 : dissuasion et apocalypse nucléaire
Il y a 70 ans, ce 15 avril 1952, le vol inaugural du B-52. Le prototype se distingue par un cockpit extérieur en tandem comme sur les avions de combat. Sur la série, l’équipage sera logé dans la cellule à la manière d’un avion de ligne.
Le texte prononcé par l’hôte de la Maison-Blanche salue Alvin Melvin Johnston, le pilote d’essai de Boeing. Tex fait équipe avec le lieutenant-colonel Guy M. Townsend. Il y a 70 ans, exactement, ce 15 avril 1952, l’équipage se dirigeait vers l’immense appareil rutilant d’aluminium. Sur le tarmac de Boeing Field, dans le comté de King, près de Seattle, sa silhouette se distingue : un jet immense traversé par une aile en flèche prononcée sous laquelle les ingénieurs avaient fixé huit réacteurs. L’avion se pose deux heures plus tard sur la base aérienne de Larson. Tout s’est bien passé : le résultat de 670 jours d’essais en soufflerie et 130 jours de tests d’aéroélasticité. Le secret de sa longévité est peut-être là. Tout est réfléchi pour la mission : depuis le territoire des États-Unis, se placer en hippodrome d’attente, armes nucléaires en soute, pour rejoindre, sur ordre, les cibles de l’adversaire du moment, l’Union soviétique. Le B-52 est encore le seul instrument pour cette mission stratégique. Les patrouilles stratégiques s’appuient sur sa capacité de ravitaillement en vol, l’innovation qui révolutionne l’expression de la puissance aérienne. Le B-52 intervient en binôme avec une flotte de C-135 Stratotanker ce qui donnera dans le civil le Boeing 707. Les sous-marins lanceurs d’engins constituent une perspective risquée et lointaine, tant les obstacles technologiques à surmonter sont nombreux. Quant aux missiles balistiques, aucune encore ne dispose de l’allonge, de la précision et de la fiabilité qui caractérisent un avion animé par un équipage. Le projet est une priorité nationale. En ces années 1950, le B-52 règne donc en maître, seul, au sommet de l’édifice politico-militaire des États-Unis, et avec lui dans les couloirs du Pentagone le Strategic Air Command. Au centre du fuselage, ses immenses soutes savent loger plusieurs armes thermonucléaires, de quoi raser en une seule mission plusieurs grandes agglomérations. Dès 1955, le 29 juin, il entre en service comme bombardier de pointe du Strategic Air Command, la force nucléaire confiée au général Curtiss Lemay
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