Le vendredi 3 juin 2022, le ministre des Armées, Sébastien Lecornu, a présidé à Brest la cérémonie d’admission au service actif (ASA) du sous-marin nucléaire d’attaque (SNA) Suffren, tête de série de la nouvelle classe de SNA du type Barracuda. Ce rendez-vous tant attendu marque une étape décisive non seulement pour la modernisation de la Marine nationale mais aussi pour toute notre défense.
Le Sous-marin nucléaire d’attaque (SNA) Suffren admis au service actif (T 1400)
Le SNA Suffren à Toulon en 2021 (© Marine nationale)
Le vendredi 3 juin 2022, le ministre des Armées, Sébastien Lecornu, a présidé à Brest la cérémonie d’admission au service actif (ASA) du SNA Suffren, tête de série de la nouvelle classe de SNA du type Barracuda. Ce rendez-vous tant attendu marque une étape décisive non seulement pour la modernisation de la Marine nationale mais aussi pour toute notre défense.
C’est à la fois l’aboutissement d’un programme engagé il y a plus de vingt-cinq ans, mais aussi le début d’un saut qualitatif majeur pour la sous-marinade française qui sera complet à la fin de cette décennie. Avec des capacités sans commune mesure avec les SNA de la classe Rubis, les Barracuda vont être de véritables « game changer » sous les océans.
SNA Suffren (© Marine nationale)
Le lancement du remplacement des Rubis a démarré en 1998 avec les premières études aboutissant à la commande du Suffren notifiée en 2006 à DCNS, devenu depuis 2017 Naval Group, et une découpe de la première tôle le 19 décembre 2007 à Cherbourg : la construction des SNA succédant alors à celle des Sous-marins nucléaires lanceurs d’engins de nouvelle génération (SNLE-NG) dont 4 exemplaires rejoignaient la Force océanique stratégique (Fost) et se substituaient à la génération Redoutable (1), celui-ci ayant été lancé en 1967 et ASA en 1971.
Le Suffren est le 108e sous-marin (dont 103 pour la France) construit à Cherbourg et le 15e à propulsion nucléaire. Le plan de charge du chantier comporte à ce jour les cinq SNA suivants et les quatre futurs SNLE-3G appelés à remplacer les SNLE-NG à partir de la seconde moitié de la prochaine décennie.
Comparaison SNA Rubis-Suffren (© Rama Pline)
Le programme Barracuda est particulièrement impressionnant avec quelques chiffres significatifs expliquant d’ailleurs la complexité du projet :
– 160 km de câbles de nature diverse dans une coque de 99,5 m (contre 73,60 m pour les Rubis) ;
– 70 000 appareils différents à connecter avec 700 000 composants à assembler ;
– 17 000 tronçons de tuyautage de diamètres différents ;
– 200 applications logicielles avec 21 millions de lignes de codes informatiques.
– 800 entreprises françaises mobilisées avec 10 000 emplois concernés.
Ces données se traduisent par des performances et des capacités opérationnelles nouvelles, notamment en termes d’armements délivrés. Aux « traditionnelles » torpilles F21 et missiles du type Exocet SM39 « Batch 2 » pour la lutte anti-sous-marin ou antinavire, s’ajoute désormais le Missile de croisière naval (MdCN) produit par MBDA et capable de toucher des cibles dans la profondeur avec une portée allant jusqu’à 1 000 km. Le Suffren pourra également mettre en œuvre un détachement de forces spéciales grâce à un hangar de pont amovible (équivalent au Dry Deck System américain) permettant à une dizaine de plongeurs de combat d’intervenir en toute discrétion.
À ces capacités de combat, se juxtaposent les équipements d’acquisition du renseignement, allant des sonars aux systèmes optroniques de nouvelle génération installés dans le kiosque.
La taille accrue du SNA se traduit aussi par une habitabilité plus importante pour l’équipage de 60 marins (68 pour les Rubis) et donc une autonomie en mer accrue pouvant atteindre 70 à 90 jours (45 à 60 pour les Rubis). Cela permet d’envisager des missions plus lointaines tout en conservant le principe du double équipage (bleu et rouge) en vigueur depuis plusieurs décennies pour les SNLE et les SNA et qui commence à être appliqué aux navires de surface (Frégates multimissions – Fremm – et patrouilleurs). Le déplacement en plongée est de 5 300 tonnes (2 600 t pour les Rubis) : associé à la longueur accrue, il permet également de le rendre plus silencieux. Sa discrétion est ainsi d’environ 10 fois supérieure à celle de la génération précédente et constitue un atout tactique essentiel dans un contexte de compétition-confrontation sous les mers.
Le deuxième SNA de la classe Barracuda, le Duguay-Trouin, a été mis sur cale le 26 juin 2009 et est sorti du chantier Laubeuf le 26 novembre 2021. Son équipage d’armement avait été constitué le 9 septembre précédent. La mise à l’eau dans la forme Cachin est prévue pour la fin de cet été avant le début des essais à la mer puis la livraison à la Marine en 2023. Les quatre suivants (Tourville, de Grasse, Rubis et Casabianca), à différents stades de la construction, rejoindront la flotte d’ici à 2030, permettant le retrait des derniers Rubis qui auront dépassé les 35 ans de service actif, dont la Perle qui avait connu un incendie ayant ravagé sa partie avant en juin 2020 lors d’un arrêt technique majeur à Toulon. Celle-ci a d’ailleurs reçu à Cherbourg, après une découpe, le tronçon avant du Saphir qui y avait été désarmé en juillet 2019. Ramenée à Toulon, la Perle devrait débuter ses essais à la mer cet automne et ainsi rejoindre le cycle opérationnel des SNA en 2023.
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L’arrivée tant attendue du Suffren est donc une étape décisive pour la modernisation de la Marine nationale, mais aussi pour toute la défense française tant le SNA apporte des innovations lui conférant de nouvelles aptitudes opérationnelles dépassant le simple milieu de l’océan. Certes, le programme a connu des difficultés techniques mais aussi depuis 2020 avec la pandémie de la Covid-19 qui n’a pas facilité la tâche des équipes. Désormais, avec cette admission au service actif, le Suffren permet à la France d’entrer dans une nouvelle phase quant à sa capacité de projection et d’action, traduisant des décennies d’efforts de recherche et industriels, et fortes d’une expérience sans équivalent de ses sous-mariniers déployés en permanence sous les mers. ♦
(1) Le Redoutable a été conservé et peut être visité à la Cité de la mer (Cherbourg).