L'ambassadeur Bertrand Besancenot, spécialiste du Moyen-Orient commente la venue du président américain Joe Biden à Riyad, entre déception et avancée pour le contexte géopolitique au Moyen-Orient.
Joe Biden à Riyad : quelles conclusions ? (T 1415)
(© Vitaliyi Vodolezskyi / Adobe Stock)
Le terme le plus fréquent dans les commentaires de la presse internationale est de qualifier de « décevante » la visite qu’a effectuée le président Biden à Riyad.
Beaucoup d’observateurs s’étaient focalisés sur l’échange ou non de poignée de mains avec le prince héritier saoudien (en fait un échange de poing) et sur deux thèmes jugés être les principaux objectifs de cette visite : une augmentation de la production pétrolière de l’Arabie – et des Émirats – et la création d’une défense anti aérienne coordonnée entre Israël et les États du Golfe sous contrôle américain, face à l’Iran.
Formellement aucun de ces objectifs n’a été atteint, d’où la réaction des commentateurs.
En fait il s’agissait pour le président Biden d’un exercice difficile puisqu’il ne pouvait pas ne pas tenir compte des réticences fortes à une « normalisation » avec Mohamed Ben Salmane (MBS) des milieux Démocrates et de la CIA ; mais qu’en même temps cette visite était importante pour montrer que les États-Unis n’abandonnaient pas leurs alliés dans la région face à l’Iran et devant les avances russes et Chinoises.
Concrètement, la visite a donné lieu à une déclaration conjointe américano-saoudienne renouvelant l’engagement de Washington à contribuer à la sécurité de ses alliés au Moyen-Orient ; à un sommet régional montrant la pérennité du partenariat stratégique entre les États-Unis et ses amis au Moyen-Orient ; et à la signature d’un certain nombre d’accords, notamment dans le domaine de l’armement.
Les pays du Golfe peuvent donc se prévaloir d’un certain réengagement américain dans la région et de la poursuite des ventes d’armes américaines à leur profit. MBS peut en outre se féliciter que le président Biden ait publiquement mis fin à l’ostracisme à son égard. Quant à la production pétrolière saoudienne, Riyad n’a pas pris d’engagement formel, mais a rappelé qu’il disposait d’une capacité excédentaire d’1 million de barils par jour.
En somme, cette visite ne peut pas être considérée comme un tournant dans la relation américano-saoudienne, mais elle met un terme à une période de tension bilatérale et marque l’intérêt réciproque de Washington et Riyad à la poursuite de leur partenariat stratégique.
Aucun des partenaires n’a fait de concession majeure – Biden ne « soutient » pas MBS et Riyad n’a pas abandonné sa coopération pétrolière avec Moscou – mais les deux pays soulignent qu’ils ont des intérêts politiques et économiques communs importants auxquels ils n’ont pas l’intention de renoncer.