Secrétaire général du Comité central du Parti communiste de l'Union soviétique de 1985 à 1991, Mikhaïl Gorbatchev est mort ce mardi 30 août 2022 à Moscou.
Mikhaïl Gorbatchev, un destin à la soviétique… (T 1419)
M. Gorbatchev, place de la Bastille 4 juillet 1989 (© Olivier Dumay)
La disparition, le mardi 30 août 2022, de Mikhaïl Gorbatchev à l’âge de 91 ans scelle la disparition définitive de ce qu’avait été l’URSS. Si proche pour les plus expérimentés d’entre nous, acteurs de la fin de la guerre froide, si lointain aujourd’hui pour les plus jeunes pour qui la Russie est incarnée depuis deux décennies par Vladimir Poutine, le nouveau Tsar du Kremlin.
Après l’effondrement de l’URSS, Mikhaïl Gorbatchev avait abandonné la scène politique dès 1992, tant son impopularité était – et est demeurée – grande aux yeux de l’opinion publique russe qui lui a imputé le chaos de la décennie 1990 et la perte des repères sociétaux imposés à l’Homo Sovieticus par le système soviétique, certes peu innovants mais qui rassuraient une société profondément « conservatrice » et qui ne connaissait désormais plus la terreur stalinienne.
À l’inverse, le dirigeant soviétique a su gagner très rapidement la sympathie du monde occidental au point de lui voir attribuer le Prix Nobel de la paix en 1990, tant le parcours était impressionnant au regard des changements imposés à l’URSS.
Durant son « court » règne, à peine 6 ans à comparer aux 18 ans de Brejnev et aux 22 ans – toujours en cours – de Poutine, il fit basculer la géopolitique mondiale, mettant fin à la guerre froide entérinée à Yalta en 1945 et effective dès 1947. Certes, son autorité fut remise en cause par les tenants du soviétisme mais aussi par Boris Eltsine, son successeur, mais il eut le courage d’ouvrir la fenêtre en prônant la Glasnost à un système verrouillé par le Parti communiste soviétique (PCUS). Il permit l’effondrement du mur de Berlin, sans effusion de sang et donc la réunification de l’Allemagne qui était totalement inimaginable au début des années 1980.
Bien sûr, l’emballement des événements fit qu’il perdit le contrôle de ceux-ci, précipitant la décomposition de l’URSS, mais celle-ci avait subi la stagnation brejnévienne, incapable de moderniser l’État-Continent. Parmi les surprises que provoqua Gorbatchev, il y eut le style qui tranchait avec les gérontocrates dont ses deux prédécesseurs, Andropov et Tchernenko. Bien sûr, « Gorby » portait le chapeau gris sur le mausolée de Lénine, mais il y avait aussi son épouse Raïssa (1932-1999) qui amena enfin de la modernité, au point de séduire les opinions publiques occidentales et qui incarnait une nouvelle génération soviétique plus ouverte au monde extérieur.
Il reste encore difficile de proposer un bilan exhaustif et objectif du rôle de Mikhaïl Gorbatchev, entre l’enthousiasme occidental et la sévérité des Russes lui imputant – à tort – tous les échecs de la fin du XXe siècle. Il n’en demeure pas moins que son rôle a été historique aux côtés de Ronald Reagan, Margaret Thatcher, Helmut Kohl et François Mitterrand.
Refusant une course aux armements épuisant les budgets et donc la guerre, il mit fin à cette guerre froide qui structura notamment le continent européen pendant un demi-siècle et les relations Est-Ouest. Il accepta le retrait militaire d’Afghanistan au risque d’apparaître faibles aux yeux des communistes du PCUS. Il disparaît au moment où l’un de ses successeurs directs a décidé – quant à lui – de rouvrir brutalement la guerre froide !
À lire
Guillerez Bernard, « Politique et diplomatie – L'Europe en viager ? », RDN n° 460, décembre 1985, p. 139-146 [payant].
Berg Eugène, « Gorbatchev » [recension de l’ouvrage de Taline Ter Minassian, Puf, 2022, 174 pages], RDN n° 850, mai 2022, p. 128-131 [gratuit].