L'amiral François Dupont vient de mourir. L'auteur rend hommage à ce grand artisan de notre force sous-marine.
In Memoriam – L’amiral François Dupont, figure des forces sous-marines, est décédé (T 1432)
Amiral François Dupont
Il nous a quittés en ces premiers jours d’octobre. Né le 10 décembre 1947, il appartient à la promotion École navale 1968. Après une première affectation en sortie de la Jeanne sur le patrouilleur Croix du Sud stationné à Dakar, il rallie les forces sous-marines en 1973 pour embarquer sur les sous-marins d’attaque Amazone (1), puis Daphné et Junon (2) comme officier chef du service lutte sous la mer et officier opérations. De 1979 à 1981, il est second de la Daphné. À l’issue d’une affectation comme officier de manœuvre du porte-hélicoptères Jeanne d’Arc, il commande successivement les sous-marins Daphné et Agosta avant d’être admis à l’École supérieure de guerre navale.
Commandant en second du sous-marin nucléaire lanceur d’engins Le Terrible (3), il est affecté en 1987, à l’État-major de la Marine dans le bureau chargé de la construction des sous-marins nucléaires d’attaque et du Sous-marin lanceur d’engins de nouvelle génération (SNLE-NG). Breveté ingénieur en génie atomique, il prend le commandement en 1991 du Triomphant, tête de série, dont il conduit les travaux d’achèvement puis les essais à la mer jusqu’en août 1995.
Admis au Centre des hautes études militaires (CHEM) et à l’Institut des hautes études de défense nationale (IHEDN, 48e Session nationale) il est affecté en août 1996 à l’État-major des armées au bureau Études et stratégie militaire générale. Promu contre-amiral le 1er août 1999, il rallie la Délégation générale pour l’armement (DGA) comme adjoint au directeur des relations internationales, chargé de la sous-direction « Moyen-Orient–Méditerranée–Pakistan ».
Le 18 juin 2001, il est nommé chef de cabinet du général Jean-Pierre Kelche, Chef d’état-major des armées. Le 1er août 2002, la ministre de la Défense, Michèle Alliot-Marie, le choisit comme chef du cabinet militaire et il est élevé au rang et appellation de vice-amiral d’escadre le 1er décembre 2002.
Le 1er septembre 2005, il est nommé directeur de l’IHEDN, de l’Enseignement militaire supérieur et du CHEM. Le 1er septembre 2007, élevé au rang et appellation d’amiral, il est nommé inspecteur général des armées-Marine. Grand officier de la Légion d’honneur, il quitte la Marine en 2008 pour occuper les fonctions de directeur général de la branche navale puis président-directeur général de Défense conseil international (DCI), opérateur du transfert du savoir-faire du ministère des Armées au profit des pays partenaires de la France jusqu’à fin 2013.
Discret, altruiste, particulièrement investi dans le conseil et la reconversion des officiers de Marine, il contribue durant de nombreuses années au comité de rédaction de La Baille, la revue des anciens de l’École navale. L’amiral Dupont avait aussi à cœur de partager sa passion pour les sous-marins et son goût pour la conduite des hommes. Au-delà de ses précieuses contributions à la rédaction de l’Encyclopédie des sous-marins français, après un premier livre (Le Triomphant) écrit en 1994 avec Pierre Quinchon et illustré par les photographies de Natacha Hochman, dans lequel il retrace la magnifique aventure humaine qu’a été la construction de notre premier SNLE-NG, son dernier ouvrage, Commandant de sous-marins : du Terrible au Triomphant, la vie secrète des sous-marins (Éditions Autrement, 2019, puis J’ai Lu, 2022) met en évidence ses immenses qualités de chef charismatique.
Il a su parfaitement se décrire dans ce témoignage puissant de sa vie de sous-marinier par trois citations prélevées dans son livre : « Frères, le mot est juste. En vérité, nous sommes tous les enfants d’une même histoire » ; « Jamais un haussement de voix, jamais un geste brusque, aucune bousculade et encore moins de cavalcade : nul n’est moins agressif, moins violent qu’un sous-marinier » ; et enfin « Écouter, savoir écouter : peut-être la plus grande vertu de sous-marinier. Et accepter l’incertitude, une philosophie. »
Tous ceux qui ont eu la chance de le rencontrer, de travailler ou de naviguer avec lui, ont été frappés par l’empathie avec laquelle il regardait, avec ses yeux extraordinaires, son interlocuteur, faisant preuve d’une immense bienveillance doublée d’une exigence à la fois délicate et fraternelle.
Parti pour son ultime plongée, nul doute qu’il continuera à veiller sur les siens avec cette humanité qui le caractérise et qui aura fait grandir tous ceux qui l’ont côtoyé. ♦
(1) Classe Aréthuse en service de 1958 à 1982, comme l’Argonaute exposé à la Cité des Sciences à La Villette (75).
(2) Tous deux de classe Daphné en service en France de 1964 à 1997, comme le Flore exposé à Lorient (56).
(3) Classe Le Redoutable en service de 1971 à 1985, comme Le Redoutable exposé à la Cité de la Mer à Cherbourg (50).