Alors que de récents rapprochements laissent croire à un apaisement des relations entre Israël et l'Arabie saoudite, l'Ambassadeur Bertrand Besancenot analyse et nuance les nouvelles relations israélo-saoudiennes en s'appuyant sur le contexte particulier du Moyen-Orient et notamment de la question du soutien de la cause palestinienne et de l'acceptation de ces rapprochements par les opinions publiques.
Quelles sont les perspectives d’un rapprochement saoudo-israélien ? (T 1437)
(© Vitalii Vodolazskyi / Adobe Stock)
L’ancien Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou interviewé sur les risques d’un accord nucléaire avec l’Iran par la chaîne de télévision saoudienne Al Arabiya, un rabbin israélo-américain en visite à Riyad, une grande famille d’affaires saoudienne investissant dans des sociétés israéliennes… Tous ces éléments récents étaient impensables il n’y a pas si longtemps.
Les contacts officieux entre l’Arabie saoudite et Israël deviennent en effet plus visibles et se transforment en liens pragmatiques économiques et sécuritaires, par exemple à propos des îles saoudiennes dans le détroit de Tiran.
En début d’année, le prince héritier Mohammed ben Salmane (MBS) a d’ailleurs déclaré publiquement : « Nous ne voyons pas Israël comme un ennemi, mais plutôt comme un allié potentiel. »
Il s’agit là d’une inflexion significative par rapport au boycott traditionnel de l’État hébreu, par solidarité avec les Palestiniens.
La raison de ce mouvement est connue : face aux ambitions régionales de l’Iran et au désengagement relatif des États-Unis du Moyen-Orient, les pays du Golfe partagent les préoccupations israéliennes et se sont rapprochés de lui.
Les Émirats arabes unis (EAU) et Bahreïn ont même franchi le pas de la reconnaissance diplomatique d’Israël, dans le cadre des accords d’Abraham, et développent avec lui une coopération technologique, sécuritaire et économique. L’Arabie saoudite s’en tient, elle, à sa politique traditionnelle de conditionnement de la reconnaissance d’Israël à une solution acceptable de la cause palestinienne, conformément à l’initiative arabe de paix.
Effectivement, si les avions civils israéliens peuvent désormais emprunter l’espace aérien saoudien, pour un homme d’affaires israélien il n’est toujours pas possible d’avoir une liaison téléphonique directe avec l’Arabie ni d’opérer un transfert financier. Néanmoins, des Israéliens peuvent venir en Arabie saoudite en utilisant d’autres passeports. Certains hommes d’affaires saoudiens sont en effet intéressés par la technologie israélienne et souhaitent en bénéficier.
Toutefois, ce processus de rapprochement devrait prendre du temps, car l’Arabie saoudite a un statut particulier dans le monde arabo-musulman comme « Gardienne des lieux Saints » de l’islam. Contrairement aux EAU ou Bahreïn, elle a une responsabilité spécifique, ce qui explique précisément l’intérêt que Tel-Aviv et Washington accordent à sa reconnaissance d’Israël.
En fait, Riyad tient compte aussi du fait que la majorité des citoyens du Golfe n’est pas, aujourd’hui, favorable à ce mouvement, qui par ailleurs donnerait de facto à l’adversaire iranien le monopole du soutien à la cause palestinienne.
En effet, les accords d’Abraham ont incontestablement brisé le tabou des relations avec Israël, mais ils ne sont approuvés – selon les sondages – que par une vingtaine de pourcent des habitants du Golfe.
Naturellement les choses peuvent évoluer avec la situation dans la région, mais la menace iranienne telle qu’elle est perçue à Riyad crée les conditions objectives d’un rapprochement avec Israël.
Il faut cependant être conscient que, comme l’a déclaré l’ambassadrice saoudienne à Washington, « trop en parler est contre-productif ». ♦