Comment la Lituanie est-elle devenue l'ennemi numéro 1 de la Chine au sein de l'Union européenne ? L'auteur analyse les dynamiques d'influence et de contre-influence de Pékin à l'égard de la république balte dans cet article en deux parties, sur la détérioration des relations entre Pékin et Vilnius.
Détérioration des relations entre la Chine et la Lituanie (1/2) : de la dégradation au casus belli diplomatique (T 1462)
(© luzitaniya / Adobe Stock)
En 2012, à l’occasion de la visite en Pologne du Premier ministre chinois Wen Jiabao, une nouvelle forme de coopération, connue initialement sous le nom de « Format 16+1 », voit le jour et vient matérialiser le rapprochement qui s’opère alors entre la Chine et 16 pays d’Europe centrale et orientale (1), dont la Lituanie. Au cours de son déplacement à Varsovie, Wen Jiabao expose la stratégie de la Chine pour l’Europe centrale et orientale ainsi qu’une liste d’initiatives visant à renforcer la coopération bilatérale et à accroître les importations et les investissements chinois. À cette date, rien ne laisse présager que les relations entre Pékin et Vilnius seront amenées à se détériorer au point que le Global Times puisse publier le 11 août 2021 un éditorial encourageant la Chine à unir ses efforts à ceux de la Russie et de la Biélorussie pour « punir » la Lituanie (2).
2019-2021, du déclin à la crise
La nature des échanges entre Vilnius et Pékin change de façon notable à partir de février 2019 après la publication d’un rapport, établi par les services de sûreté et de renseignements lituaniens, ayant trait à l’évaluation des menaces pesant sur la République de Lituanie. Dans le chapitre consacré aux activités des organismes de renseignement hostiles, après les sections dédiées à la Russie et à la Biélorussie, une dernière section traite de l’essor des actions menées par le Guoanbu (services secrets chinois, sûreté de l’État) et le renseignement militaire de l’Armée populaire de libération (APL) (3). Le rapport met en lumière les objectifs politiques des organes de renseignement chinois qui opèrent dans l’État balte – par exemple en influençant la vie politique locale pour limiter les déclarations favorables à l’indépendance du Tibet ou de Taïwan – et fait le constat d’un espionnage d’État de plus en plus agressif qui s’exerce aussi dans la sphère économique ou dans le secteur de la défense.
Si la Chine n’est jamais qualifiée directement de menace, c’est pourtant de la sorte que le rapport établi par les services de renseignement lituaniens a pu être interprété par le Parti-État (4), comme le laisse croire une publication parue sur le site en français du portail chinois Zhongguo Wang qui ne s’embarrasse pas du raccourci : « En 2017, la Lituanie saluait l’initiative chinoise [des nouvelles Routes de la soie], en souhaitant qu’elle renforce la connectivité entre l’Asie et l’Europe. Mais en février 2019, le ton a changé. Dans un rapport, les services de sécurité lituaniens ont qualifié la Chine de “menace pour la sécurité nationale” (5). »
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