L'actualité a recentré l'attention sur la rivalité géopolitique entre les États-Unis et la Chine après qu'un ballon a été aperçu dans le ciel américain au début du mois de février. La décision d'abattre l'objet, soupçonné d'espionnage au profit de la Chine, pose la question du droit international en matière aérienne et spatiale. Le Commissaire général (2s) Pascal Dupont fait le point pour la RDN.
Géopolitique de l’air : l’affaire du ballon chinois abattu au-dessus de la Caroline du Sud (T 1468)
Il semble à présent bien établi qu’avant d’être abattu, le 4 février 2023, par un missile AIM-9X SideWinder tiré par un F-22, le ballon chinois a d’abord pénétré l’espace aérien américain à partir de l’Alaska, le 28 janvier. Il a ensuite survolé à haute altitude le Canada, puis le Montana avant de finir sa course en Caroline du Sud. Indépendamment du contexte particulièrement tendu des relations entre les États-Unis et la Chine sur plusieurs sujets géopolitiques majeurs, cette crise diplomatique – qui a provoqué l’annulation de la visite programmée du secrétaire d’État Antony Blinken à Pékin – renvoie à deux interrogations : les pouvoirs de l’État vis-à-vis de son espace aérien, ainsi que le recours à la force contre un ballon.
Du principe de la souveraineté aérienne
Une règle fondamentale domine le droit aérien international : celle de la souveraineté, complète et exclusive de l’État sur l’espace atmosphérique situé au-dessus de son territoire. Ce principe, issu de la Convention de Chicago de 1944 relative à l’aviation civile – et avant elle par la Convention de Paris de 1919 – figure également dans la Convention des Nations unies sur le droit de la mer (dite de Montego Bay) de 1982 qui affirme que la souveraineté de l’État côtier s’étend, au-delà de son territoire, et de ses eaux territoriales, à une zone de mer adjacente désignée sous le nom de mer territoriale. Les règles applicables à la navigation aérienne sont cependant différentes de celles qui régissent la navigation maritime. Ainsi, il n’existe pas, en dehors du droit de passage en transit dans certains détroits internationaux, d’équivalent aérien à un libre passage inoffensif autorisant de plein droit le survol du territoire de l’État.
Dans cette affaire, il s’agissait d’un ballon à haute altitude, autrement dit l’espace aérien supérieur (Higher Airspace Operations – HAO). Cette zone comprise entre 20 km – correspondant à l’espace aérien dit contrôlé par les prestataires de la navigation aérienne – et 100 km d’altitude, par référence à la ligne dite de Karman, est considérée comme marginale pour la navigation aérienne alors qu’elle constitue pourtant une partie intégrante de l’espace aérien. Elle est donc distincte de l’espace aérien extra-atmosphérique (l’espace tout court) où la densité de l’air ne permet plus la sustentation des aéronefs. Les véhicules aériens, mais aussi spatiaux (fusées et navettes) appelés à transiter dans le HAO étaient, jusqu’à une date récente, peu nombreux alors qu’ils constituent une alternative aux avions et aux satellites pour la recherche, l’observation météorologique ou… le renseignement.
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