L'ambassadeur Betrand Besancenot revient sur les événements du week-end des 23 et 24 juin, lorsque le monde retenait son souffle en suivant l'actualité politique et militaire en Russie. Pour la première fois depuis plus de 20 ans qu'il est au pouvoir, Vladimir Poutine a vascillé, menacé par Evgueni Prigojine et sa société militaire privée Wagner, sur fond de désaccords sur l'évolution du conflit ukrainien. Le sang n'a pas coulé, mais le tsar n'est plus.
Billet – Russie : le tsar est-il mort ? (T 1497)
(© Kremlin.ru / via Wikimedia Commons)
Le règne de Vladimir Poutine touche-t-il à sa fin ? La question est régulièrement posée depuis le jour où le maître du Kremlin a pris la décision d’envahir l’Ukraine, mais paraît encore plus pertinente à la lumière du coup d’État avorté d’Evgueni Prigojine, les 23 et 24 juin derniers. Avançant vers Moscou, le chef de la Société militaire privée (SMP) Wagner a dû renoncer à marcher sur la capitale, sans doute en raison du manque de soutien des élites politiques et militaires, et va être exilé en Biélorussie. Lui et ses 25 000 hommes n’avaient clairement pas la capacité de faire tomber le régime de Poutine, pas sans risquer en tout cas une guerre fratricide aussi coûteuse qu’imprévisible pour les deux camps. Mais le simple fait qu’ils soient parvenus à prendre la ville de Rostov, centre névralgique des opérations en Ukraine, et soient arrivés à 200 km de Moscou sans rencontrer (ou presque) la moindre résistance en dit long sur l’état actuel de la Russie et sur la fragilité du pouvoir du tsar-Président Poutine. Pendant de longues heures, le doute s’est instillé dans toutes les têtes y compris dans celle de Vladimir Poutine. Au point qu’il évoque une « menace mortelle » et ravive le souvenir de 1917. Que la créature (Wagner) puisse échapper au maître, beaucoup de spécialistes l’avaient anticipé. Mais qu’elle puisse avoir la prétention et le projet d’être une alternative au régime poutinien sans qu’elle et son chef ne soient tués immédiatement, personne ne pouvait le prévoir.
Le mythe s’est effondré. D’aucuns pourraient dire qu’il était déjà en piteux état depuis bien longtemps, mais certains commentateurs et, plus inquiétant, certains décideurs continuaient d’y croire par conviction ou par commodité. Qui peut encore évoquer « la verticale du pouvoir », « la stabilité du plus grand pays du monde » ou « la fidélité des élites » après la – dernière ? – symphonie de Wagner ? Le « cuisinier de Poutine » a levé le voile sur la réalité de la Russie d’aujourd’hui : un empire déliquescent et décadent traversé par des luttes intestines entre seigneurs de guerre que le tsar n’est plus en mesure de contrôler. À l’ombre de la guerre en Ukraine se joue l’avenir de cette Russie (nucléaire) de plus en plus instable et de moins en moins européenne.
Le tsar n’est plus. Il est encore là, peut-être même pour quelque temps, mais il n’est plus le tsar.
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