Les forces morales sont aujourd'hui au cœur des préoccupations doctrinales au sein de l'état-major des Armées. Le capitaine Olivier Hosotte analyse une étude de cas historique où les forces morales ont su faire la différence, par l'exemple d'une bataille sévèrement jugée par l'historiographie, celle d'Eylau, du 8 février 1807, opposant la Grande Armée de Napoléon et une coalition russe et prussienne.
La bataille d’Eylau, l’intention du chef comme liant des forces morales (T 1505)
Napoléon sur le champ de bataille d'Eylau (Antoine Jean Gros, 1808)
La quatrième coalition se forme le 1er octobre 1806 contre la France napoléonienne. Elle rassemble le Royaume-Uni, la Russie, la Suède et la Prusse, laquelle réagit par les armes à l’organisation de l’Allemagne que Napoléon a imposée. En février 1807, la campagne de Prusse et de Pologne bat son plein. Dès le 14 octobre 1806, Napoléon écrase l’armée prussienne lors de la double victoire d’Iéna et d’Auerstaedt, prenant ainsi l’ascendant sur la moitié de la coalition.
Alors qu’elle est engagée dans la profondeur, au nord de la Prusse orientale, à la poursuite des Prussiens en repli, la Grande Armée se retrouve face à l’armée impériale russe, soutenue par les reliquats de l’armée prussienne. La bataille d’Eylau constitue le premier choc entre les soldats du tsar Alexandre Ier et ceux de l’Empereur. De cet affrontement, Napoléon peut être considéré comme vainqueur car il conserve la maîtrise du terrain, mais au prix de lourdes pertes qui, empêchant l’exploitation du succès tactique, ne lui donne pas le caractère décisif voulu par l’Empereur. Il lui faudra attendre la victoire de Friedland, quatre mois plus tard, pour obtenir cette bascule stratégique qui amènera les chefs d’États prussien et russe à demander la paix.
Considérée comme une victoire à la Pyrrhus, Eylau passe fréquemment pour une mêlée indescriptible et désorganisée, une sorte d’anti-bataille au cours de laquelle l’engagement successif des unités ne vise qu’à combler les brèches identifiées dans la ligne amie en poussant dans l’espoir d’une percée incertaine.
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