Dans cette deuxième partie sur le tournant stratégique de l'été 1943, le colonel Claude Franc analyse la bataille de Koursk : un échec allemand qui marque la fin des dernières espérances stratégiques des nazis.
Le tournant de la guerre à l’Est, été 1943 (2/3) – La bataille de Koursk (T 1517)
Troupes soviétiques et chars T 34 lors de la bataille de Koursk en juillet 1943 (© Mil.ru / via Wikicommons)
À l’issue du rétablissement défensif opéré par Manstein, à la suite de la défaite de Stalingrad, tout donnait à penser que l’initiative des opérations pour la campagne de l’année 1943 reviendrait aux Soviétiques, dès que les conditions météorologiques le permettraient. Toutefois, Hitler ne l’entendait pas ainsi. Il estimait qu’une attaque allemande préventive permettrait de retarder loin dans le courant de l’été le déclenchement de l’offensive russe, laquelle aurait alors rapidement à souffrir du retour des pluies et de la boue, dans laquelle elle s’enliserait. Guderian, le nouvel inspecteur de la Panzerwaffe (l’arme blindée) et Manstein, commandant le groupe d’armées Sud, penchaient, quant à eux, pour le déclenchement d’attaques à portée limitée dès le mois de mai, dans le but de retarder le déclenchement de l’offensive soviétique, un peu comme ceux-ci l’avaient eux-mêmes joué l’année précédente par l’offensive de Timochenko sur Kharkov. Néanmoins, Hitler refusa cette option et penchait davantage pour une offensive majeure dans laquelle la Wehrmacht concentrerait tous ses efforts, en vue, sinon de rompre le front soviétique, au moins le désorganiser suffisamment pour rendre irréalisable des initiatives russes durant plusieurs mois.
La genèse de la bataille
Cette option présentait toutefois un certain nombre de contraintes, notamment celle de devoir disposer de délais pour pouvoir concentrer la masse de manœuvre, opération qui, en outre, aurait du mal à être masquée. Elle présentait également le risque inhérent de jouer le sort de la campagne – et peut-être même de la guerre – en une seule opération. Quant au choix du point d’application de cette offensive, il s’imposait de lui-même, dès lors que les opérations de la fin de l’hiver avaient abouti à la formation d’un énorme saillant russe dans le front allemand dans la région d’Orel ; son centre était occupé par la ville de Koursk. Depuis la Première Guerre mondiale et les fronts continus, une règle tactique s’était imposée : si un saillant ne s’attaque jamais de front, sa réduction peut, en revanche, s’opérer par une attaque concentrique à partir de ses bases, ce qui conduit à l’encerclement des moyens qui y sont déployés (1). C’est ainsi que le saillant de Koursk, dont l’arc mesurait plusieurs centaines de kilomètres, se prêtait parfaitement à une attaque concentrique Nord-Sud, conduite à l’échelon du théâtre. L’Oberkommando des Heeres (OKH) – l’état-major de l’armée de terre de qui dépendait le front est – fut donc désigné pour planifier une telle offensive, qui allait mettre en jeu, depuis le nord, l’aile sud du Groupe d’armées Centre (la 9e armée de Model) et, depuis le sud, l’aile nord du Groupe d’armées Sud. Le maréchal von Manstein, commandant le groupe d’armées Sud, fut désigné comme commandant de l’opération, charge à lui de coordonner l’action des deux ailes marchantes.
La fin du printemps fut consacrée, du côté allemand, à la concentration de 900 000 hommes, soit 50 divisions, réparties en 34 divisions d’infanterie, 14 blindées et 2 motorisées (Panzer Grenadier Division), soit une masse de 2 700 chars, appuyée par 10 000 canons et 2 000 avions. Le maréchal Vassilevski, le nouveau chef d’état-major soviétique, révéla, à l’issue du conflit, que, face à cette nouvelle situation, Staline écarta systématiquement toutes les options d’attaques préventives sur Gomel et Kharkiv, pour concentrer les efforts soviétiques sur la destruction de la masse de manœuvre allemande déployée à Koursk.
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