Alors que nous rentrons dans un conflit au temps long, Christine Dugoin-Clément analyse pour la RDN les récentes évolutions de la guerre en Ukraine, depuis la mort d'Evgueni Prigojine, le chef de Wagner. Les hostilités se poursuivent notamment dans le champ cyber et Kiev doit faire face à une opinion publique occidentale dont l'attention est, depuis le 7 octobre dernier, centrée sur les événements au Moyen-Orient, sur lesquels Vladimir Poutine tente de capitaliser, en développant un récit selon lequel le soutien à l'Ukraine baisse indubitablement.
Ukraine, crises, conflits, droit international et cyberespace (T 1542)
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L’invasion de l’Ukraine par la Russie a débuté en février 2022. Après avoir vu le retour de la guerre de haute intensité sur le territoire européen, l’année 2023 a été marquée par le basculement du conflit dans le temps long. Si cette guerre a permis la mobilisation du cyberespace dans ce champ d’affrontement, elle confronte également les soutiens de l’Ukraine à la multiplication des tensions et des champs de conflictualité qui impactent leur action. Outre les enjeux économiques, exportés par un conflit qui touche de plein fouet les secteurs énergétique et agricole, l’industrie est interrogée sur sa capacité à soutenir l’Ukraine. Parallèlement, des tensions qui ont éclaté dans plusieurs zones géographiques concourent à mettre l’accent sur la capacité des États à gérer plusieurs crises simultanées. Enfin, la très forte mobilisation intercontinentale de la sphère informationnelle, participe à une augmentation horizontale des tensions. Pendant que, cherchant à devancer un ralentissement induit par l’arrivée de l’automne, les deux camps renforcent leurs actions tout en espérant l’attrition de l’adversaire, l’Ukraine multiplie les innovations et fait feu de tout bois pour repousser l’invasion. Dans le même temps, la sphère cyber, très active, participe à la démultiplication des crises.
Un conflit en évolution
Si, dès le début du conflit, les Occidentaux ont soutenu l’Ukraine pour l’aider à lutter contre l’invasion Russe, ils ont pu commencer à ressentir une forme de déception en constatant que les gains territoriaux de l’année 2023 restent en deçà de ceux de l’été 2022. Pour autant, ce ralentissement était prévisible. Si la Russie a mis l’hiver à profit pour renforcer ses positions dans les territoires occupés (1) en construisant des lignes de défense et en augmentant la surface des zones minées, elle a également accentué sa démarche de russification de ces mêmes territoires occupés (2) et réorganisé ses lignes logistiques ainsi que le volume de ses recrutements. En outre, regagner du terrain et déloger l’adversaire est coûteux en vies humaines, or, l’Ukraine s’attache constamment à préserver autant que possible ses militaires. Dans le même temps Kyiv a modifié sa stratégie en s’orientant vers une utilisation accrue de petites unités mobiles et, plutôt que de porter ses efforts sur un ou deux points de la ligne de front (3), mène des attaques multiples sur un plus grand nombre de points de la ligne de confrontation.
De son côté, en instrumentalisant les infrastructures nucléaires civiles pour faire pression sur les décisions internationales, par les actions visant la centrale nucléaire de Zaporijia (4) notamment, la Russie a renouvelé son utilisation du nucléaire en matière de dissuasion et d’Heavy Metal Diplomatcy (5).
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