Quand la tactique compense la stratégie déficiente, le caporal vient au premier rang des acteurs de la bataille dont il engage le cours. C’est ce qu’observe l’auteur en notant les dérives des guerres nouvelles.
Tactique et stratégie dans la guerre nouvelle : place du caporal stratégique (T 128)
Il n’existe pas une littérature abondante sur le concept de caporal stratégique. Si on excepte le Canada, les stratégistes ont plutôt abordé les thèmes à la mode : nucléaire, robotisation du champ de bataille, RMA ou network centric warfare. Cette pensée stratégique « d’en haut », oublie celui même qui fait la guerre au quotidien : le soldat, plus précisément le caporal. Au-delà des effets de légitimité épistémologique, la notion de « caporal stratégique » se situe au cœur de l’incapacité stratégique actuelle de l’Occident. Comme le souligne à juste titre Lawrence J. Korb, « De la chute du mur de Berlin en 1989 à celle des tours du World Trade Center en 2001, et même jusqu’à aujourd’hui, les États-Unis n’ont pas réussi à élaborer de stratégie de sécurité nationale cohérente suscitant l’adhésion des Américains et de ses alliés ». Cette crise de la pensée stratégique est à mettre en rapport avec la fin de la bipolarité. Elle s’inscrit dans l’hymne de « La révolution dans les affaires militaires » et de « La guerre nouvelle ». C’est le lieu de citer Charles Krulak, pour qui « The future battlefields on which Marines fight will be increasingly hostile, lethal and chaotic. Our success will hinge, as it always has, on the leadership of our junior Marines. We must ensure that they are prepared to lead ».
La transformation du champ de bataille qui s’opère avec la « Troisième Guerre » n’est pas sans implications tactique et stratégique. Dans les guerres actuelles, les chefs de petites unités sont confrontés à des situations où la prise de décision a des conséquences sur l’issue de la bataille, de la guerre et même de la politique générale. De manière concrète, la question qui se pose est la suivante : les actions d’un caporal peuvent-elles avoir des répercussions stratégiques ? N’assiste-t-on pas à une asphyxie de la stratégie au profit de la tactique ? Comment faut-il considérer le soldat (le caporal) dans la guerre aujourd’hui ?
La réflexion qui suit tente de montrer que l’action du caporal est aujourd’hui susceptible de répercussions stratégiques beaucoup plus que par le passé. Deux points en structurent l’argumentation, d’une part des considérations théoriques, d’autre part la portée stratégique de l’action militaire du caporal.
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