Notre chroniqueur le colonel Claude Franc rend hommage à Alfred Grosser, disparu le 7 février 2024 à l'âge de 99 ans. Le politologue a été un contributeur de la RDN dans les années 1960 et un penseur du rapprochement franco-allemand pendant et après la guerre froide.
In memoriam – Hommage à Alfred Grosser, penseur de l’amitié franco-allemande (1925-2024) (T 1573)
Alfred Grosser à Frankfort en 2010 (via Wikimedia Commons)
Né en 1925 à Francfort-sur-le-Main, Alfred Grosser est le fils d’un médecin allemand d’origine juive qui a été contraint de quitter l’Allemagne nazie du fait des lois raciales en 1933 et a émigré en France. La famille Grosser a été naturalisée française en 1937. Agrégé d’allemand, Grosser se tourne rapidement vers les sciences politiques et est recruté comme enseignant à l’Institut de Sciences politiques de Paris en 1956 et, la même année, il est nommé directeur de recherche à la Fondation nationale des sciences politiques, en compagnie de René Rémond, Jean-Baptiste Duroselle et Jean Touchard – rarement pareil aéropage d’intellectuels a été réuni. C’est dire si Alfred Grosser a été, d’emblée, propulsé au pinacle de la recherche en sciences politiques. Tout naturellement, ayant connu successivement les deux nationalités, ses travaux se sont orientés vers les relations franco-allemandes et il s’est rapidement imposé comme un expert incontournable en la matière.
Partisan sans réticence de la réconciliation franco-allemande dès l’origine, mais plus que réservé sur l’Ostpolitik prônée et jouée par le SPD lors de l’accession de Willy Brandt à la Chancellerie – il y voyait un risque réel de neutralisation de l’Allemagne fédérale au profit du bloc communiste – ses travaux, son enseignement et son activité journalistique (il est chroniqueur au journal Le Monde depuis 1965) ont eu une influence certaine sur l’orientation de la politique allemande du Quai d’Orsay.
Ces qualités suffiraient à ce que la Revue Défense Nationale lui rendît hommage. En outre, Alfred Grosser a été une des grandes signatures de la RDN. Certes, pas par le volume ou le nombre de ses contributions – il n’y a publié que cinq articles – mais par la densité de ceux-ci, leur pertinence et leur capacité à faire réfléchir, bref, au sens premier du terme, des articles de fond.
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