Dans son éditorial de la semaine, le général Jérôme Pellistrandi, rédacteur en chef de la RDN, revient sur les récents événements ayant eu lieu au Proche-Orient. Alors qu'un tournant s'opère dans le conflit opposant Israël au Hamas pivotant vers le nord avec la mort du leader du Hezbollah libanais, la région continue de s'embraser après l'attaque terroriste menée par le Hamas sur le sol israélien, il y a bientôt un an jour pour jour, le 7 octobre 2023.
Éditorial – Tremblement de terre au Proche-Orient (T 1638)
(© Ruma / Adobe Stock)
Dans quelques jours, le 7 octobre sera le premier anniversaire des attaques terroristes menées par le Hamas contre Israël avec le massacre systématique des victimes, car considérées comme juives par l’organisation terroriste et la prise d’otages, dont certaines sont encore détenues dans les tunnels sous la bande de Gaza, au mépris du droit international et d’autres sont morts dont quelques-unes exécutées froidement par le Hamas et ses affidés.
Dès le 8 octobre 2023, le Hezbollah libanais engageait une mise en tension de la zone nord d’Israël avec des tirs de roquettes et de missiles depuis le Sud Liban, par solidarité avec le Hamas. Depuis près d’un an, une guerre de haute intensité ravage la bande de Gaza, Tsahal étant déterminé à éliminer le Hamas, au risque de faire de nombreuses victimes civiles, essentiellement des femmes et des enfants, pris au piège dans un territoire totalement fermé depuis lequel il est quasi impossible de sortir, l’Égypte bloquant le poste de Rafah.
Malgré les demandes de cessez-le-feu et les rounds de négociations pour essayer – en vain – de trouver un accord permettant une trêve et une libération des otages restants, la guerre s’est poursuivie, sans qu’une réelle perspective politique ne se dessine.
Simultanément, les autres « proxies » de l’Iran ont maintenu, voire accentué, une pression militaire sur Israël, mais aussi sur l’ensemble de la région. Ainsi, les rebelles Houthis au Yémen effectuent des attaques régulières contre la navigation en mer Rouge avec des conséquences dramatiques ayant entraîné la mort de plusieurs marins de commerce, des naufrages de navires et un manque à gagner conséquent pour l’Égypte, le Canal de Suez ayant vu son trafic diminué. Cela a obligé la mise en place de plusieurs opérations navales dont Aspides, conduite par l’Union européenne, pour protéger le trafic commercial. Cela a d’ailleurs contraint plusieurs bâtiments de la Marine nationale à ouvrir le feu avec succès pour détruire des drones ou des missiles houthis.
Depuis près d’un an, la tension n’a cessé de monter, les parties prenantes refusant toute désescalade, d’autant plus qu’elles ont en ligne de mire le calendrier électoral américain avec le scrutin du 5 novembre. De cette équation complexe aux multiples inconnues, il est difficile d’entrevoir des issues du moins, moins bellicistes. Ce sont les armes qui parlent et qui vont continuer à le faire.
Et c’est ce qui se déroule depuis bientôt près de deux semaines avec le Hezbollah libanais, qui est désormais la cible d’une opération majeure d’élimination systématique et sans pitié. Après un travail de renseignement sans précédent, tout l’organigramme et les structures de commandement du Hezbollah sont éliminés au fur et à mesure. D’abord, le premier cercle est neutralisé avec l’explosion simultanée des beepers qui avaient été mis en place pour protéger les transmissions au sein de l’organisation terroriste. Échec majeur suivi des talkies-walkies destinés aux chefs tactiques, eux-aussi éliminés, puis par une campagne de frappes aériennes massives dont le point culminant a été ce vendredi 27 septembre au soir, la destruction du quartier général du Hezbollah à Beyrouth et la disparition brutale de son leader politique et religieux Hassan Nasrallah.
Le choc géopolitique est majeur et déstabilise bien au-delà du Liban où le Hezbollah était au-dessus de l’État libanais, totalement paralysé et marginalisé depuis des années, au point que la présidence de la République est vacante depuis plus de deux ans. Le Hezbollah est complètement et durablement désorganisé, même s’il parvenait à se trouver un nouveau chef. Sa place omnipotente au Liban risque d’être remise en cause, y compris ses milices jusqu’à présent plus puissamment armées que les Forces armées libanaises elles-mêmes.
L’autre grand perdant est bien sûr l’Iran qui ne cesse d’être humilié avec la disparition brutale de ses « proxies ». C’est le 31 juillet, la mort à Téhéran du chef politique du Hamas, Ismaïl Haniyeh et maintenant celle de Nasrallah, fidèle parmi les fidèles du régime iranien. Des pertes symboliques qui traduisent désormais l’impuissance de l’Iran à trouver une réponse, hormis des discours belliqueux, appelant à la vengeance. Et cela sous l’œil des capitales arabes très discrètes ces derniers jours et peu émues par la disparition du chef du Hezbollah.
En moins de deux semaines, l’échiquier proche-oriental a donc été profondément et brutalement bouleversé, sans qu’il soit possible de dessiner autre chose que des scenarii, tant les inconnues de l’équation géopolitiques restent nombreuses. Il y a quand même une certitude, c’est le drame humanitaire pour le Liban dont l’État est trop fragile et trop faible pour assumer ne serait-ce que la distribution d’aide humanitaire. Et c’est le énième épisode d’un conflit complexe, durable, prenant ses racines dans une histoire millénaire où les passions l’ont toujours emporté sur la raison. ♦