Après avoir vu l'équipe de France olympique de basketball briller aux Jeux olympiques (JO) de Paris 2024, Manon Pasquier s'intéresse à la dimension géopolitique du sport à la balle orange. Participant à l'affrontement entre les deux puissances États-Unis et URSS pendant la guerre froide, le basketball est devenu, outre un outil d'influence et de soft power américain, le symbole également d'un monde se transformant, devenant de plus en plus multipôlaire.
Le basketball, terrain d’influence et de puissance Les dimensions géopolitiques d’un sport collectif
(© Damerfie / Adobe Stock / image générée par IA)
Pour les Jeux olympiques et paralympiques (JOP) de Paris 2024 à domicile, la France a tenu son pari de figurer dans les cinq premières puissances sportives mondiales. Mieux encore, avec 64 médailles obtenues en une seule édition olympique, les Tricolores ont battu leur record historique. Fer de lance de la délégation française : le judo, la natation, l’escrime et le cyclisme ont ramené 33 médailles. Derrière ces trois disciplines figure les sports collectifs et le basketball est le seul sport des JOP 2024 avec une équipe masculine et féminine en finale, avec un tableau identique contre les États-Unis, pays berceau du sport à la balle orange. En 2022, le basketball était le sport collectif comprenant le plus de licenciés dans l’Hexagone après le football et se situait, tous sports confondus, en quatrième position, après le tennis et l’équitation (1). Inventé en 1891, le basketball est né du souhait d’un éducateur sportif canadien, James Naismith, de proposer une activité physique à ses étudiants pendant la période hivernale ; le sport ballon-panier voit ainsi le jour à Springfield (Massachusetts). Nécessitant peu de moyens, il se diffuse rapidement et devient une discipline olympique aux Jeux de Berlin en 1936. Le nombre de fédérations nationales intégrées à la Fédération internationale de basketball (FIBA), seule autorité reconnue par le Comité international olympique (CIO), s’élève à 212 fédérations nationales (2) alors que seuls 193 États-membres siègent au sein de l’Organisation des Nations unies, ce qui témoigne de la popularité du basketball à l’échelle mondiale.
Le sport moderne a historiquement été dominé par trois régions (Europe, Asie du Nord-Est et Amérique du Nord) (3) avant de connaître une recomposition globale avec l’émergence de nouveaux pôles (pays du Golfe, de l’Afrique, de l’Amérique latine et de l’Asie). D’une région à une autre, les motivations diffèrent notamment car la vocation du sport est plurielle. Mobilisable par un État pour renforcer sa visibilité, sa réputation ou encore son attractivité, celui-ci peut également être utilisé au service des relations diplomatiques, pour les normaliser ou les renforcer. Enfin, l’arène sportive est également un lieu d’expression des tensions internationales (4). En fonction des objectifs poursuivis par les puissances sportives, les stratégies mises en place varient. Certaines vont miser sur l’accueil d’événements et de méga-événements sportifs. L’exemple le plus emblématique est celui du Qatar qui, après avoir accueilli les Mondiaux de handball (2015) et de football (2022) sera le théâtre de la Coupe du monde masculine de basket en 2027. D’autres vont se concentrer sur les performances sportives en obtenant des médailles et en établissant des nouveaux records à l’image de la Chine. Le concept de « géopolitique du sport », popularisé en France avec les travaux de Pascal Boniface, n’a jamais été appliqué au basketball, alors qu’il s’agit du troisième sport le plus populaire au niveau mondial (5) derrière le football et le cricket. Loin d’être exhaustif, cet article cherche à mettre en exergue quelques éléments géopolitiques inhérents à ce sport.
Le basketball : reflet de l’ordre international de la guerre froide à un nouveau monde multipolaire
En 1945, Georges Orwell qualifiait le sport d’« une guerre sans coups de feu ». La lutte amicale sportive serait le prolongement des rivalités observables sur la scène internationale. Pendant la guerre froide, l’arène sportive mondiale est ainsi rapidement devenue un nouveau terrain d’affrontement indirect entre les modèles de sociétés soviétique et américain. Étant un des seuls sports collectifs où les équipes des deux superpuissances pouvaient se mesurer, le basketball y tenait une place de choix. Progressivement, le basketball, via le tournoi olympique est devenu une « des modalités de l’antagonisme culturel et sportif entre [ces] deux pays » (6). Si bien que la première victoire soviétique sur les Américains en 1972, au terme d’une finale dont le dénouement fut controversé, peut être considéré comme « un des moments de la guerre froide » (7).
Il reste 81 % de l'article à lire