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À l'occasion de la sortie de notre numéro d'octobre, la RDN publie l'analyse d'Anastasiya Shapochkina sur les coopérations en matière énergétique entre la Russie et la Chine. Entre la montée en puissance des BRICS et la volonté de la mise en place d'un système financier alternatif, beaucoup reste à faire, alors que la Russie est sous le coup de sanctions économiques.
La Chine est le pivot de la capacité de la Russie à mener la guerre contre l’Ukraine, le garant de sa survie économique dans le contexte des sanctions et de la pertinence géopolitique de la Russie dans l’ordre mondial en évolution, que la Chine est désireuse de façonner. Bien que la fourniture directe d’armes par Beijing à Moscou reste difficile à cerner, la main de la Chine est visible derrière les exportations militaires croissantes de Pyongyang au profit des Russes. En outre, la Chine est l’épine dorsale de l’alliance militaire entre la Russie, l’Iran et la Corée du Nord, dont les programmes politiques visent tous à s’opposer aux États-Unis et à construire un système de gouvernance mondiale alternatif, non centré sur l’Amérique.
L’énergie est le fondement économique des relations russo-chinoises, le moteur de la balance commerciale entre les deux pays, de leur interdépendance croissante et de leur indépendance de plus en plus grande du dollar pour les échanges bilatéraux. Cet article analyse l’évolution de leurs relations énergétiques depuis 2022, après que la Chine a de facto remplacé l’Europe en tant que principal importateur de l’énergie russe. Il explique pourquoi la Chine n’est pas un partenaire égal à l’Europe pour la Russie, dans la mesure où les intérêts économiques ou stratégiques de la Russie sont en jeu. L’article explore ces questions via trois variables : le rôle de l’énergie dans la balance commerciale bilatérale, un système monétaire alternatif au dollar dans les relations bilatérales Russie-Chine et l’investissement, en particulier dans l’infrastructure énergétique. La conclusion replacera cette évolution dans le contexte plus large du calcul géostratégique de Moscou et de Beijing, qui va au-delà de la guerre en Ukraine et définira l’orientation géopolitique de la Russie pour les années à venir.
Le rôle de l’énergie dans la balance commerciale bilatérale
Lorsque l’on étudie l’évolution récente de la balance commerciale de la Russie avec la Chine, on constate un montant comparable d’échanges de biens avec l’UE en 2021 (257 milliards d’euros (1)) et avec la Chine en 2023 (240 Mds de dollars (2)), dominé dans les deux cas par l’exportation d’hydrocarbures et par les importations de machines, d’électronique, de véhicules et de produits pharmaceutiques en provenance de l’UE en 2021 et de la Chine en depuis 2023 (3). À première vue, il semble que la Russie ait réussi à remplacer l’UE par la Chine en tant que principal partenaire commercial, les exportations d’énergie russes étant redirigées vers l’est et les importations chinoises inondant le marché russe après le départ de nombreuses entreprises occidentales. Toutefois, plusieurs différences marquées apparaissent : alors que la balance commerciale UE-Russie s’est traduite par un excédent majeur pour la Russie jusqu’en 2022 inclus (puisque les sanctions sur le pétrole et les produits raffinés n’ont été mises en œuvre qu’en décembre 2022 et en février 2023), la balance commerciale avec la Chine est marquée par une quasi-égalité, privant la Russie de l’avantage économique similaire à celle qu’elle détenait sur l’Europe grâce à ses exportations d’énergie.
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