L'ambassadeur Bertrand Besancenot établit les pistes de réflexion de la politique étrangère au Moyen-Orient que pourrait mener le président élu des États-Unis, Donald Trump. Entre continuation de la tradition politique américaine dans la région, recherche de deals et poursuite d'objectifs parfois incompatibles les uns des autres, le Moyen-Orient sera, au moins dans les premières semaines du mandat du 47e président des États-Unis, au cœur de ses préoccupations.
Quelle pourrait être la politique du président Trump au Moyen-Orient ? (T 1651)
Lors de la campagne électorale, le candidat Trump s’est présenté comme un homme de paix, rappelant la signature, à son initiative, des accords d’Abraham au Moyen-Orient et réitérant sa capacité à finir rapidement la guerre en Ukraine. Ses détracteurs ont, en revanche, souligné son impulsivité et son ignorance en matière de politique étrangère, qui inquiètent la plupart des alliés des États-Unis dans le monde.
Une fois réélu, à quoi peut-on donc s’attendre sur un des dossiers brûlants de l’actualité, la crise au Moyen-Orient ?
Des constantes de la politique étrangère américaine au Moyen-Orient
Il est clair qu’au-delà du caractère intempestif du président, il existe dans cette zone des constantes de la politique américaine, qui sont partagés par le futur locataire de la Maison Blanche : un soutien fort à Israël, une position ferme à l’égard de l’Iran et une volonté de réduire la présence militaire américaine au Moyen-Orient. Ce dernier point reflète ce qu’il appelle son « isolationnisme pragmatique » et le souci américain de se consacrer en priorité à la compétition stratégique avec la Chine.
Néanmoins, en dépit de ces constantes, la situation a évolué au Moyen-Orient au cours des quatre dernières années. Les États du Golfe ont accru leur coopération économique avec la Chine, d’une part et pétrolière avec la Russie (dans le cadre de l’OPEP+), d’autre part. Ils ont, par ailleurs, rétabli les relations diplomatiques avec l’Iran et entendent participer aux instances du Sud global. En outre la crise à Gaza a conduit l’Arabie saoudite – sous la pression des opinions publiques arabes – à exiger désormais la création d’un État palestinien avant toute reconnaissance d’Israël. Le président Trump devra donc tenir compte de ces nouvelles réalités.
Il est cependant probable que, conformément à ses objectifs déclarés, il retirera les troupes américaines de Syrie et d’Irak et qu’il donnera la priorité aux relations commerciales avec les pays du Golfe, qui constituent toujours un marché porteur et solvable pour les entreprises américaines.
La politique de Trump dans la région n’est pas exempte d’éventuelles contradictions
Le président demande à Netanyahou de terminer le conflit à Gaza en janvier 2025, c’est-à-dire au moment de sa prise de fonction ; mais il déclare en même temps qu’il laissera carte blanche au Premier ministre israélien… Il veut créer des alliances de sécurité face à l’Iran, notamment en étendant les accords d’Abraham à l’Arabie saoudite ; mais Riyad ne le ferait que s’il y avait création d’un État palestinien, ce que le gouvernement israélien refuse. Il veut accroître la production de pétrole et de gaz américain au moment précis où ses alliés du Golfe souhaitent récupérer leurs parts de marché… Il est, par principe, favorable aux « deals » mais il n’envisage apparemment que de reprendre sa politique de « pression maximale » à l’égard de l’Iran… Il veut, enfin, renforcer les garanties de sécurité données aux pays du Golfe, mais il a concomitamment l’intention de diminuer la présence militaire américaine dans la région…
Différentes manières de résoudre ces difficultés pour Donald Trump
Pour rassurer ses alliés dans la région, il s’engagera à leur fournir les armes demandées, les renseignements dont ils ont besoin et à assurer la formation de leurs forces. Il soulignera aussi que les moyens militaires américains déployés au Moyen-Orient seront en mesure d’effectuer les frappes nécessaires contre les terroristes. Il rappellera également son engagement à empêcher l’Iran d’acquérir l’arme nucléaire ; mais il reste à savoir si ce sera au moyen d’une négociation en position de force avec un Iran affaibli ou en appui à des opérations militaires israéliennes… Il encouragera les entreprises américaines – à commencer par celles du groupe Trump – à renforcer leur engagement dans le Golfe, en contrant l’entrisme actuel chinois.
Des difficultés pour la future administration Trump à concilier ces différents objectifs
Ces objectifs ne sont pas tous compatibles entre eux et surtout pas toujours compatibles avec ceux des alliés de Washington dans la région. Les pays du Golfe veulent, certes, préserver leur partenariat stratégique avec les États-Unis – notamment dans le domaine sécuritaire – mais ils entendent parallèlement poursuivre leur politique de diversification de leurs partenaires dans le monde : la Chine, les BRICS, l’Organisation de Shangaï…
Le Qatar abrite, certes, la plus grande base américaine dans la région, mais n’a pas l’intention pour autant de renoncer à son soutien à la cause palestinienne et à sa politique de médiation tous azimuts. Benjamin Netanyahou souhaite apparemment entraîner les Américains dans des opérations militaires contre les capacités nucléaires iraniennes, mais les États-Unis ne veulent a priori pas intervenir directement – après l’échec de leurs engagements en Afghanistan et en Irak – dans de nouveaux conflits au Moyen-Orient
Il est donc possible que le président Trump privilégie la politique des « deals » dont il se veut être l’expert, mais la question de la compatibilité entre ses objectifs et ceux de ses alliés demeure une question ouverte. Il sera en particulier intéressant de voir s’il sera en mesure – contrairement au président Biden – de faire les pressions nécessaires sur Israël pour éviter un embrasement au Moyen-Orient et favoriser un règlement durable tant de la question palestinienne que de la relation avec l’Iran, ce que souhaitent en réalité les pays du Golfe et les autres pays de la région. ♦