L'ambassadeur Bertrand Besancenot analyse les conséquences éventuelles de l'annonce du cessez-le-feu au Liban après les frappes israéliennes touchant le pays. Si le Hezbollah est désarmé et que Benjamin Netanyahou est pressé par la communauté internationale, ce cessez-le-feu ne signifierait pas, pour autant, la fin de la guerre. En effet, de nombreuses conditions y sont assorties et Israël a annoncé reprendre les hostilités contre le Hezbollah en cas de non respect de celles-ci.
Chroniques du Moyen-Orient – Cessez-le-feu au Liban : la fin de la guerre ? (T 1659)
Middle East Chronicles —Cease fire in Lebanon: the end of war?
Ambassador Bertrand Besancenot analyses cease fire's consequences between Israel and Lebanon. If Hezbollah organization is now weakened and Benjamin Netanyahou under international community's pressure, that cease fire doesn't mean the end of war in Middle-East. Several conditions follow the deal of cease fire and Israel told they would resume hostilities against Hezbollah if one of those conditions isn't respected.
L’annonce mardi soir d’un cessez-le-feu au Liban a été accueillie avec soulagement par beaucoup de monde et, en premier lieu, par la population libanaise qui a énormément souffert au cours des dernières semaines : s’il est respecté, cela signifie la fin des bombardements, des victimes et des destructions. Cela permettra aussi un retour des réfugiés chez eux, même si le sud du pays est ravagé. C’est aussi un soulagement pour la population du nord d’Israël, qui devrait pouvoir rentrer chez elle, avec la fin des bombardements du Hezbollah.
Ce cessez-le-feu est d’abord un vrai succès pour l’administration Biden, qui a enfin réussi à l’imposer à Netanyahou. Il s’agit aussi d’un succès pour la diplomatie française, qui a été pleinement associée à cet accord ; ce qui démontre une fois encore que la France demeure l’indispensable ami du Liban. C’est, enfin, un succès pour l’ONU car, après presque vingt ans, la résolution 1701 du Conseil de sécurité va être mise en œuvre, avec le retrait du Hezbollah au nord du fleuve Litani et le déploiement de l’armée libanaise au sud du pays, le Liban recouvrant ainsi un peu de sa souveraineté.
Il faut également admettre que Netanyahou a atteint certains de ses objectifs. Les attaques du Hezbollah sur le territoire israélien devraient s’interrompre et la population du nord du pays rejoindre ses maisons. Le Hezbollah, qui représente la principale menace à la sécurité d’Israël, est sérieusement affaibli avec l’élimination de sa direction et la destruction d’une partie significative de son arsenal. L’Iran subit un véritable revers avec la déconnexion, de fait, des théâtres libanais et palestinien, qui rompt l’« unité du front » de l’« axe de la résistance » voulu par Téhéran.
Ce succès doit, cependant, être relativisé. Benjamin Netanyahou a dû céder à la pression internationale – essentiellement américaine – sans aller au bout de ses objectifs. Le Hezbollah conserve des capacités militaires importantes, qui demeurent une menace pour les Israéliens. Le crédit moral d’Israël est sérieusement entamé du fait de l’ampleur des pertes civiles et des destructions causées par ses bombardements, comme en témoigne le mandat d’arrêt de la Cour pénale internationale (CPI). Cette guerre a, en outre, coûté une fortune à Tel-Aviv et accentué sa dépendance à l’égard des États-Unis. Enfin, la normalisation tant souhaitée avec l’Arabie saoudite est reportée sine die et à la condition de la création d’un État palestinien, ce que le gouvernement Netanyahou refuse catégoriquement.
Par ailleurs, un certain nombre d’incertitudes demeurent. L’accord est fragile car les cessez-le-feu ont souvent été violés au Moyen-Orient. Benjamin Netanyahou a d’ailleurs été très clair sur le fait qu’Israël se réservait le droit de reprendre ses opérations au Liban à tout moment en cas de violation de l’accord. La guerre n’est pas terminée car ce cessez-le-feu ne concerne pas Gaza et Benjamin Netanyahou estime avoir les mains libres pour y poursuivre les opérations militaires jusqu’à la prise de fonction du président Trump. Enfin, il n’y a pas de certitude sur ce que sera la politique de Donald Trump tant à l’égard de l’Iran que du règlement de la question palestinienne.
En réalité ce cessez-le-feu doit être salué comme un répit bienvenu d’abord pour le Liban, qui devrait saisir cette opportunité pour restaurer ses institutions, élire un président de la République et s’engager avec l’aide internationale dans la reconstruction du pays et la réforme de son système politique. Il faut néanmoins être conscient qu’à ce stade rien n’est réglé sur le fond des deux dossiers qui constituent les facteurs majeurs d’instabilité au Moyen-Orient : l’absence de solution équitable de la question palestinienne et d’arrangement régional avec l’Iran tant sur la question nucléaire que sur l’action déstabilisatrice de ses affidés dans la région. Or, il est clair aujourd’hui que sur ces deux points, la position du président Trump sera déterminante, ce qui n’est pas forcément rassurant…
Espérons néanmoins que la voie de la négociation sera préférée à celle de la confrontation, qui serait désastreuse pour la région et au-delà. ♦