Cette semaine, le général Pellistrandi revient sur les derniers débats concernant la défense européenne, le renforcement des menaces aux portes de l'Union européenne et le risque, pour la France, de ne pas avoir de budget propre à 2025 et donc de limiter les finances de la défense, dans un temps où la consolidation des armées est capital tant pour la France que pour l'Europe.
Éditorial – La défense de l’Europe, une variable d’ajustement pour beaucoup… (T 1660)
Europe's Defense: for many, an adjustment variable…
General Jérôme Pellistrandi talks about the lastest discussions about European defense. Threats' reenforcement at EU's gates and the risk for France not to have a budget for 2025 and reduce defense's finances on a time when army's stregthening is a primary subject for France and for Europe.
Le 2 décembre est, pour la communauté des Saint-Cyriens de toutes générations, l’occasion de se rassembler et de célébrer la victoire de l’empereur Napoléon Ier à Austerlitz sur une coalition supérieure en nombre sur le champ de bataille. Le génie tactique de Napoléon a fait de cette journée de décembre, le 2S, un moment majeur de notre histoire militaire.
Malheureusement, depuis, le sol européen a connu d’autres terribles guerres et aujourd’hui, notre propre sécurité se joue désormais en Ukraine, en mer Baltique ou dans les urnes de Roumanie. Face à une puissance révisionniste, impérialiste et agressive, la Russie de Vladimir Poutine. Celui-ci mène une guerre de punition contre les Ukrainiens qui refusent la capitulation, une guerre souterraine hybride contre l’Europe en sapant les valeurs qui, depuis la création de la Ceca en 1951, ont amené l’Union européenne (UE), malgré tous ses défauts, à être un espace de liberté et de prospérité, une guerre hybride active en sabotant par l’intermédiaire de proxies nos industries, nos réseaux et une guerre néo-coloniale en faisant croire à certains États africains que les milices héritières de Wagner vont amener paix et développement aux juntes militaires dont le principal objectif est de rester au pouvoir.
À cela s’ajoute, désormais, l’incertitude stratégique apportée par la future administration Trump qui risque, au minimum, d’être disruptive et très certainement méprisante à l’égard des Européens. Trump déteste l’UE et fera tout pour la marginaliser en préférant des deals bilatéraux, certains États européens semblant prêts à renoncer aux acquis de l’UE et en oubliant ce qu’ils doivent aux milliards versés pour assurer leur modernisation après avoir quitté l’orbite soviétique. Bien sûr, Bruxelles porte une part de responsabilité en ayant manqué de pédagogie et en ayant transformé le projet européen en une bureaucratie incompréhensible. Toutefois, les États-membres portent aussi leur part de responsabilité, à commencer par la France qui, depuis trop longtemps, a déserté Bruxelles. Nos élites connaissent mieux le Lubéron que le Berlaymont…
Pour clouer le cercueil, il ne manquait plus que la déclaration de la présidente de la Banque centrale européenne (BCE), Christine Lagarde, qui, pour ne pas engager un bras de fer avec Donald Trump, suggère désormais d’acheter plus de produits américains notamment dans la défense. En son temps, Florence Parly, ministre des Armées, rappelait que l’article V du Traité de l’Atlantique nord ne signifiait pas « article F 35 ». Alors que la plupart des pays européens – exceptée la France pour la quasi-totalité de ses armements – sont déjà dépendants des États-Unis, une telle proposition viendrait enterrer définitivement la Base industrielle et technologique de défense (BITD) européenne, si laborieuse à construire ; et cela sans aucune garantie ni de réciprocité, ni de soutien dans la durée. Chacun sait que l’achat notamment des F 35 crée un lien de subordination étroit aux États-Unis rien que pour la mise en œuvre de l’avion et cela à un coût, par ailleurs, très élevé. Il s’agit donc d’une proposition plus que hasardeuse et démontrant une méconnaissance complète des enjeux de défense pour l’Europe.
Il en est de même ici, en France, où le risque de non-vote du budget 2025 pour des raisons propres à certains partis politiques porterait un coup très grave à notre défense avec la suspension de 3 milliards € pour revenir au budget 2024. Cela signifierait une remise en cause profonde du fonctionnement de nos armées au quotidien, des retards majeurs dans la livraison d’équipements indispensables au renouvellement de nos forces, un impact immédiat pour les industriels de l’armement et donc pour l’emploi dans un secteur phares de notre souveraineté. À l’heure où les dangers se pressent à nos frontières et que personne ne sait à quoi ressemblera l’horizon stratégique de 2025, ceux qui prendront cette responsabilité auront démontré leur total désintérêt pour la défense de la Nation, voire leur hypocrisie. ♦