Un cyclone d'une ampleur inédite s'est abattu sur l'archipel française de Mayotte. Département le plus pauvre de France, la collectivité ultramarine est sinistrée et l'heure est aux secours humanitaires et urgents, alors que certains quartiers sont rayés de la carte et que nous ne connaissons pas encore le nombre de victimes, qui se décomptera sur plusieurs jours. Les moyens militaires sont déployés pour apporter ces secours. Cet événement montre à quel point les moyens à déployer dans nos infrastructures d'intervention outre-mer sont primordiales, alors que ce type de catastrophe risque de se renouveler. Être prêt.
Éditorial – Premières leçons du cyclone Chido (T 1666)
Les forces françaises s'engagent avec des moyens terrestres, maritimes et aériens pour faire face aux conséquences du cyclone Chido à Mayotte (© État-major des Armées / X)
Cyclone Chido: first lessons
A cyclone of unprecedented magnitude has struck the French archipelago of Mayotte. The poorest department in France, the overseas community is devastated and the time has come for humanitarian and urgent relief, while some neighborhoods have been wiped off the map and we do not yet know the number of victims, which will be counted over several days. Military resources are being deployed to provide this relief. This event shows how essential the resources to be deployed in our overseas intervention infrastructures are, while this type of disaster risks happening again. Be prepared.
Le cyclone Chido qui s’est abattu samedi 14 décembre sur l’archipel de Mayotte est d’une ampleur sans précédent avec des dégâts inimaginables et un bilan humain encore impossible à évaluer. Si, actuellement, la priorité est aux secours dans l’urgence avec, dans un premier temps, les capacités sur place dont les éléments militaires des FAZSOI affectés à Mayotte avec le 5e Régiment étranger (ancien DLEM), le Régiment du service militaire adapté (RSMA) de Mayotte et des moyens de la Marine. Tous ces militaires travaillent conjointement avec les pompiers du Service départemental d’incendie et de secours (Sdis), la Gendarmerie (renforcée d’un escadron de gendarmerie mobile), la police et les agents des collectivités locales.
D’emblée, un pont aérien à partir de La Réunion va commencer à transporter personnels et moyens en renfort. Néanmoins, la quasi-destruction de la tour de contrôle de l’aéroport Marcel Henry à Petite-Terre limite les capacités de la plateforme aéroportuaire au trafic militaire, en attendant la réparation des installations. Les rotations d’avions A400M et Casa 235 vont se succéder pendant plusieurs jours, avant que les avions civils puissent se poser.
De même, la Marine nationale va transporter des moyens plus lourds à partir de La Réunion. Les Frégates de surveillance, le Bâtiment de soutien et d’assistance outre-mer (BSAOM) Champlain et le Marion Dufresne qui dessert habituellement les Terres australes et antarctiques françaises (Taaf) sont mis à contribution.
Alors que la mobilisation est générale pour venir en aide à la population de Mayotte, des premières leçons peuvent d’ores et déjà être tirées. Tout d’abord, l’importance de la flotte des avions A400M. Celle-ci avait été déjà fortement sollicitée au printemps dernier avec les émeutes en Nouvelle-Calédonie. Le renforcement des unités de Gendarmerie n’avait été rendu possible que par la combinaison A400M et A330 MRTT. Or, la cible actuelle de la Loi de programmation militaire (LPM) 2024-2030 est de trente-cinq A400M (il y a, actuellement, 24 appareils en parc). L’Armée de l’air et de l’Espace considère qu’il est nécessaire de disposer de trois appareils supplémentaires pour pouvoir notamment se déployer en outre-mer de façon plus systématique. Au regard de Chido, en sachant que ce type d’événements climatiques risque de se renouveler avec le dérèglement du climat, une telle idée est logique et nécessaire.
Soulignons ici que le renforcement des infrastructures militaires en outre-mer est déjà en cours alors que celles-ci étaient souvent trop légères. Quais pour les navires, hébergement en dur, installations aéronautiques, autant d’investissements indispensables pour conforter la résilience de nos forces. Il est également urgent de revoir le format de notre marine outre-mer. Le retrait, en 2017, du dernier Batral de la classe Champlain (mise en service à partir de 1974) n’a pas été compensé, même si les BSAOM sont de véritables « couteaux suisses » très utiles. Il n’en demeure pas moins que nous n’avons plus cette capacité de « beachage » qu’apportaient les Batral. Or, pouvoir accoster sur une plage par manque d’infrastructures disponibles est essentiel. L’outre-mer devrait bien bénéficier de nouveaux engins de débarquement du type Engin de débarquement amphibie standard (Edas), mais leurs capacités restent limitées bien que supérieures à celles des Chalands de transport de matériel (CTM) qu’ils vont remplacer. Quatorze engins sont prévus dont six pour l’outre-mer. Certes, la LPM 2024-2030 a inscrit quatre Batral nouvelle génération en fin de programmation, mais les événements comme Chido démontrent l’urgence d’un tel programme. Il ne s’agit pas de construire des bâtiments de combat sophistiqués mais des engins simples, rustiques avec une endurance à la mer. Le financement pourrait d’ailleurs être interministériel et européen, dans la mesure où la dimension « civile » pour l’aide à la population est évidente.
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Renforcer nos capacités outre-mer est une évidence urgente, au regard de l’étendue de nos départements et collectivités ultramarines. Même si l’on peut compter sur la mobilisation actuelle pour venir en aide à Mayotte, il est nécessaire d’en tirer d’ores et déjà les leçons mais aussi de les mettre en œuvre. Pour cela, la responsabilité appartient aux politiques. ♦