Le 24 février 2025 marque les 3 ans de guerre en Ukraine et l'entrée du conflit russo-ukrainien dans sa quatrième année. Alors que l'« opération militaire spéciale » ne devait durer que quelques semaines, la résistance ukrainienne et le soutien européen ont démontré à Vladimir Poutine qu'il avait tord. Cependant, les circonstances semblent changer, à présent que Donald Trump est revenu au pouvoir aux États-Unis et a rappelé son hostilité à l'égard du président ukrainien, Volodymyr Zelensky, écarté des discussions entre les États-Unis et la Russie. Depuis 3 ans, le continent européen se réveille tous les matins avec la présence de la guerre sur son sol : depuis 3 ans, l'ordre géopolitique international a changé.
Éditorial – Ukraine : 3 ans de guerre. Quand le maître du Kremlin se prend pour le Führer (T 1687)
Editorial —Ukraine: 3 years of war. When the Kremlin master takes himself to be the Führer
February 24, 2025 marks the 3rd anniversary of the war in Ukraine and the entry of the Russian-Ukrainian conflict into its fourth year. While the “special military operation” was supposed to last only a few weeks, Ukrainian resistance and European support have proven Vladimir Putin wrong. However, circumstances seem to be changing, now that Donald Trump has returned to power in the United States and has reiterated his hostility towards Ukrainian President Volodymyr Zelensky, who has been sidelined from the talks between the United States and Russia. For 3 years, the European continent has woken up every morning with the presence of war on its soil: for 3 years, the international geopolitical order has changed.
En déclenchant son « opération spéciale militaire » à l’aube du 24 février 2022, Vladimir Poutine était persuadé que ses troupes allaient entrer très rapidement dans Kiev comme l’Armée rouge dans Budapest en 1956, puis dans Prague en 1968. Remettre de l’ordre dans son pré-carré – selon ses considérations déniant à l’Ukraine le droit d’être un État souverain – et ainsi profiter d’un état de sidération de l’Ouest pour imposer sa politique. Or, rien ne s’est passé comme prévu, même si ses généraux ne cessent de dire que tout se déroule selon la planification – comme au bon vieux temps du Gosplan. Trois ans après, même si les armées ukrainiennes sont sur la défensive et ont dû céder environ 20 % du territoire, il faut bien admettre qu’il s’agit d’un échec stratégique pour Moscou, incapable de remplir les objectifs fixés il y a trois ans et qui devaient voir le démantèlement du régime, sa « dénazification », sa « démilitarisation » et sa « neutralisation ».
Échec stratégique, mais hélas succès géopolitique depuis le 20 janvier de cette année, avec l’arrivée de l’administration « Trump II » qui a inversé complètement les données de cette guerre majeure en imputant la responsabilité à l’Ukraine, en méprisant le président Zelensky, jugé illégitime sous prétexte d’absence d’élection, et en écartant l’Europe, pourtant fidèle partenaire des États-Unis depuis huit décennies et surtout en réhabilitant Vladimir Poutine comme « Grand » de ce monde et interlocuteur à la hauteur de l’égo des nouveaux locataires de la Maison Blanche.
En 3 ans de guerre, tout a changé, notamment en Europe. Le réveil a été long et douloureux, tant les « dividendes de la paix » avaient anesthésié toute lucidité stratégique chez les dirigeants. Soulignons cependant que, pour la France, ce réveil a été anticipé et que depuis 2015, la baisse constante des budgets de la défense – et des effectifs – a été stoppée. Et avec les Lois de programmation militaire (LPM) 2017-2023 puis 2024-2030, le réarmement de notre pays est entré dans une phase active et pourrait d’ailleurs être encore accéléré dès ce printemps avec de nouveaux objectifs concrets comme l’augmentation des frégates en passant de 15 à 18, la commande de Rafale supplémentaires et la dronisation accrue de l’Armée de terre. Depuis plus d’une décennie, tous nos chefs d’état-major des armées ont martelé que la guerre était de retour. Ils ont eu raison…
Il n’en demeure pas moins vrai que la brutalité de la nouvelle administration Trump oblige à tout revoir avec le double défi de l’urgence pour soutenir Kiev et éviter un diktat imposé par Washington et Moscou, et le temps long pour donner enfin à l’Europe une véritable autonomie stratégique. Sans oublier que la Russie non seulement poursuit sa guerre de haute intensité contre l’Ukraine, mais multiplie ses actions hybrides contre l’Europe et ses intérêts. Pour Vladimir Poutine, il n’est pas question de paix mais bien de capitulation et de soumission pour Kiev mais aussi pour les pays européens hier membres du défunt Pacte de Varsovie.
C’est bien pour cela que l’on assiste à une répétition douloureuse de l’Histoire avec le souvenir trop cruel des accords de Munich en 1938 où la République tchécoslovaque est démembrée pour répondre aux ambitions de Hitler ; Daladier et Chamberlain croyant sauver la paix et croyant, surtout, en la bonne foi du Chancelier du Troisième Reich, au pacte germano-soviétique de 1939 où Ribbentrop et Molotov se partagent la malheureuse Pologne vaincue militairement quelques semaines plus tard, puis, enfin, à Yalta où Staline fait miroiter à un Roosevelt très affaibli et à un Churchill fatigué que les pays européens dans l’orbite soviétique auraient droit à des processus électoraux démocratiques. Évidemment, l’histoire ne se répète pas stricto sensu, mais elle peut bégayer.
Trois ans de guerre qui ont bouleversé l’échiquier mondial avec le retour du rapport de force et la remise en cause du droit international, 3 ans de guerre où la loi du plus fort semble désormais la guerre, où de nouveaux impériums se constituent au détriment de pays et de nations sans ambitions hégémoniques. Certes, la Russie et la Chine faisaient déjà partie de ces puissances prédatrices et ambitieuses. Le drame de 2025 est que les États-Unis semblent désormais vouloir les rejoindre jusqu’à créer une forme de directoire mondial où seule la puissance brute compte.
24 février 2022-24 février 2025 : Retour aux temps obscurs de la guerre.