Spécialiste du nucléaire, Philippe Wodka-Gallien analyse l'exposition L'Âge atomique qui a eu lieu à Paris, au Musée d'art moderne, consécrée à la représentation du nucléaire militaire dans l'art et les sociétés depuis 1945.
Parmi les expositions – L’Âge atomique au Musée d’art moderne de Paris, ou l’action artistique prise en otage (T 1690)
Dans le métro parisien, les affiches de « L’Âge atomique » ont repris Late stage of Baker, peinture de Charles Bittinger réalisée en 1946 au lendemain des essais américains de l’opération Crossroads sur l’île de Bikini dans le Pacifique. (Photo © Philippe Wodka-Gallien)
Among the exhibitions —The Atomic Age at the Paris Museum of Modern Art, or artistic action taken hostage
Nuclear specialist Philippe Wodka-Gallien analyses the exhibition The Atomic Age which took place in Paris, at the Museum of Modern Art, devoted to the representation of military nuclear power in art and societies since 1945.
Après une promenade dans le Parc de la paix à Hiroshima et le concert de Nena à Berlin, au son électro-pop de 99 Luftballons, pas question de manquer L’Âge atomique – Les artistes à l’épreuve de l’histoire, exposition temporaire au Musée d’art moderne de Paris (métro Iéna). Ouverte au public le 11 octobre 2024, l’exposition a fermé ses portes le 9 février dernier.
Technologie, sociologie, politique et même philosophie, le fait nucléaire est une révolution globale, l’un des héritages les plus structurant du XXe siècle. L’événement culturel au MAM de Paris fait continuité avec « Imaginaires nucléaires », colloque organisé en décembre 2019 à la bibliothèque François Mitterrand par le Commissariat à l’Énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA). Cette journée avait abordé le thème de l’atome dans les cultures populaires. La séquence avait également interpellé le Mémorial de Caen qui aborda les univers de prospérité et de violences des Trente Glorieuses lors de l’exposition Années Pop, Années choc, 1960-1975. Réunissant en son Palais de Tokyo 250 œuvres signées d’une soixantaine d’artistes, L’Âge atomique s’inscrit dans cette continuité en mettant l’accent sur les arts plastiques mais aussi la photographie, la bande dessinée, la vidéo et même le théâtre contemporain. Multi-domaine, le nucléaire a percuté nos âmes. Née en 1945 dans une tragédie à Hiroshima et Nagasaki, l’atome est une source infinie d’inspirations pour l’action artistique. Déambulation guidée.
L’atome : nouvel espace de dialogue entre arts et technologies
L’initiative du MAM de Paris fait écho à Electra, l’exposition que le musée avait montée en 1983 et qui fut consacré à l’électricité dans les arts plastiques. D’ailleurs au MAM de Paris, vous serez accueilli par la Fée électricité, fresque de Raoul Dufy réalisée pour l’Exposition universelle de 1937. Le Musée de l’art moderne a bien saisi que la révolution industrielle a installé un dialogue entre les artistes et les ingénieurs. Ce dialogue, ce fut le train à vapeur de Claude Monet Gare Saint-Lazare (1877). C’est dans la mécanique que le mouvement Dada a puisé son message et ses codes esthétiques. En 1937, voici Hélice et rythme d’un Delaunay, composition qui vient sublimer l’installation de l’aérien dans nos sociétés. La même année, l’artiste tchèque François Kupka appose sa signature à Machinisme, une œuvre de la collection Thyssen-Bornemisza à Madrid.
L’histoire de l’art au XXe siècle se tourne vers les précurseurs de l’abstraction, dont Vassily Kandinsky. En 1911, le peintre met la dernière touche à son ouvrage fondateur Du Spirituel dans l’art, et dans la peinture en particulier. Il écrit : « La peinture est un art, et l’art dans son ensemble n’est pas une création sans but qui s’écoule dans le vide. C’est une puissance dont le but doit être de développer et d’améliorer l’âme humaine. » Kandinsky nous encourage à saluer les artistes, tant leur travail peut nous révéler les vérités cachées du monde, pas seulement les paysages de France, les tréfonds de nos âmes, mais aussi les enjeux de l’humanité. Bref, dans la capitale de la France, à l’ombre de la tour Eiffel, on va au Palais de Tokyo pour « s’électriser de sciences » et « avoir crâne extensible », invitation du dadaïsme écrite en 1922. La même année, Suzanne Duchamp crée Radiation de Deux seuls éloignés, une vision schématique qui annonce les forces de la science atomique. Cette œuvre est à l’entrée de l’exposition. Dès le premier conflit mondial, les artistes sont partagés devant la science. Hiroshima est un choc : l’atome, inspire les démarches artistiques d’une nouvelle ère, l’ère nucléaire.
Juste après la Bombe, imaginer l’apocalypse
Bombhead (2002) de Bruce Conner, artiste américain adepte dans ses œuvres des assemblages antinomiques.
L’atome a conquis nos imaginaires, avec un objet, l’explosion toute en violence et le champignon qui s’élève dans le ciel. La perspective de l’apocalypse atomique en vient à occuper la totalité de nos esprits : c’est le Bombhead (2002) de l’américain Bruce Conner, composition qui pose le champignon d’une explosion sur l’uniforme strict avec cravate du citadin. La sélection du MAM de Paris s’est portée sur le peintre hongrois Laszlo Moholy-Nagy. En 1945, il vit à Chicago. Son tableau Nuclear I, CH fait synthèse entre la sphère représentant de l’explosion et le figuratif d’un gratte-ciel. Le trait vient de l’abstraction, une invention de l’avant-garde russe. Après le choc de 1945, de nouveaux codes esthétiques s’imposent, déstructurés et confus.
Nuclear I, CH de Laszlo Moholy-Nagy, est une huile sur toile. Création de 1945, l’œuvre est à l’avant-garde de l’art atomique. Elle mesure 96,5 cm par 76,2. Ce tableau est un prêt de l’Art Institute of Chicago. Photo : Art Institute of Chicago, 2024.
Le recueillement s’impose à la vue les dessins fait à Hiroshima, échantillons fournis par le Mémorial de la paix de la ville japonaise. Le rouge et le noir se combinent pour restituer le terrifiant du 6 août. Des villes dévastées, la barbarie des camps, des idéologies mortifères, 50 millions au bilan, le monde doit se reconstruire. C’est l’angle choisi par Richard Pousette-Dart qui réalise The Atom–One World (1947-1948). L’art contemporain puise dans le dadaïsme, le mouvement né de la Grande Guerre, mais refuse son humour ? Arrivée peu après, le surréalisme tentative d’exploration au plus profond de nos rêves et de nos âmes vient enrichir la démarche. C’est le terrain choisi par l’Italien Enrico Baj pour créer Manifesto Bum (1952).
Black and White de Jackson Pollock. Pour cette œuvre de 1948, l’artiste contemporain a fait appel à la technique de l’égouttement. Le résultat évoque le cœur de l’explosion nucléaire imaginé par David Lynch dans Twin Peaks. L’œuvre est aux collections du Centre Georges Pompidou à Paris.
Dans l’agitation de son noir et blanc, Jackson Pollock nous emporte au cœur de la matière. Pollock déclare en 1951 : « il me semble que le peintre moderne ne peut pas traduire cette époque, l’avion, la bombe, par les formes anciennes de la Renaissance ou d’une autre culture du passé. À chaque époque sa technique ». Ce tableau a sans doute inspiré la séquence cinéma que nous a créée David Lynch au lancement Twin Peaks (1990), une explosion atomique dans le désert du Nevada illustrée par une musique stridente et acide en limite du supportable. Pour Roberto Matta, la Bombe, c’est L’impensable (1958). Ce fut radical dès 1947 dans la composition de Dali Les trois sphinx de Bikini. En 2021, Eternity du Belge Luc Tuymans, sphère écarlate qui reprend le modèle de dôme utilisé par Werner Heisenberg, le scientifique du projet atomique du IIIe Reich. Le résultat n’en évoque pas moins les photos de la boule de feu du premier essai nucléaire (Trinity), celui réalisé en juillet 1945 dans le désert du Nouveau-Mexique.
Gen d’Hiroshima, manga signé Keiji Nakazawa, extrait d’un album de 1973.
On a aimé la galerie des mangas, réaction de la culture populaire japonaise aux raids atomiques. Éclectique, l’exposition propose un thème inédit : l’impact du fait nucléaire sur l’architecture. On s’arrêtera sur le projet d’une ville souterraine imaginé dans le sous-sol de New York, dans l’idée de survivre après l’apocalypse, presque comme avant. Bruxelles est optimiste en édifiant l’Atomium. Inauguré en 1958, le projet qui annonce la ville du futur s’inscrit dans une démarche équivalente à la Tour Eiffel, édifice à la gloire de l’industrie métallurgique. Jusque-là, tout va bien.
Déconstruction du récit national, paresse rhétorique et art comptant pour rien
Hiroshima et Nagasaki sont tellement exceptionnels que les deux évènements parviennent à se détacher de ce qui s’est passé avant. Dès lors que l’ère atomique s’installe : « no more Hiroshima » nous demande le Mémorial de la paix de la ville japonaise. C’est ainsi sur les 80 dernières années. Les photos des tests nucléaires et les vues aériennes de l’US Army Air Force après le passage des B-29 sur le Japon sont ici consacrées, jusqu’à l’indigestion. Le symptôme d’une fascination refoulée peut-être. Passé la galerie de l’art atomique, l’établissement parisien se transforme sans transition en espace militant dans la ligne Atomkraft? nein danke, nous administrant une rupture brutale avec l’expérience culturelle vécue jusque-là. Exit le dialogue entre l’intellect et l’œuvre, nous voici dans la pataugeoire saumâtre de la politique, dans une sorte de campus qui nous rejoue mai 1968. Tel est l’effet sur le visiteur qui vient ici pour une expérience partagée avec les arts, des affiches dénonçant les essais français du Pacifique.
Mais où trouver encore de l’art dans les vidéos reprenant les extraits de discours de Charles de Gaulle, de François Mitterrand, et de Jacques Chirac justifiant les expérimentations nucléaires en Polynésie ? Maisons de la culture, Grand Louvre, Grande Bibliothèque, Musée des arts premiers, le MAM n’est guère indulgent envers ceux qui ont tant œuvré au rayonnement culturel de Paris. Lien est fait alors entre notre projet nucléaire et le colonialisme (et l’exploitation capitaliste liée), avec la référence aux essais dans le Sud algérien. Que font ici les photos copyrightées ECPAD, l’établissement photo du ministère des Armées ? Très engagée dans le débat historique de la colonisation, Lova Rinel est chercheure associée à la Fondation pour la recherche stratégique (FRS). Dans Défense, la revue de l’Union IHEDN, elle écrit : « en réorientant la stratégie française, Charles de Gaulle, affirmait implicitement que la légitimité d’une puissance nucléaire ne résidait pas dans l’exercice d’un pouvoir coercitif sur des territoires colonisés, mais dans sa capacité à se projeter dans l’avenir et à affronter les défis stratégiques d’un monde en mutation ». Bref, le musée de la ville de Paris navigue à contrecycle, déjà celui de la décarbonation, bien content pourtant d’avoir l’électronucléaire pour son éclairage, à prix réduit. Pas un mot pour pointer la guerre sanglante voulue par Vladimir Poutine en déclenchant l’invasion de l’Ukraine en février 2022, trois ans déjà ! Pas un mot pour pointer la posture nucléaire agressive du maître du Kremlin ou la course aux armements enclenchés à Beijing, pas un mot pour pointer le totalitarisme en Corée du Nord, sans oublier qu’il est toujours possible, dans bien des pays, de massacrer de braves gens sans avoir recours à l’arme nucléaire.
La déambulation nous amène ensuite au thème « féminisme et anti-nucléaire », nouvelle tentative de délégitimation du nucléaire français. La cause eût été bien inspirée à l’inverse d’encourager les jeunes filles à embrasser les métiers scientifiques et technologiques. Aucune référence en ces murs à Maria Sklodowska-Curie, récit d’émancipation, double prix Nobel, et dont les découvertes ont donné la radiographie, technique médicale qui a sauvé des millions de personnes. Ignoré aussi le vêtement de plage inventé en France en 1946 en référence à l’essai américain sur l’île de Bikini en juillet 1946, deux pièces qui portent l’émancipation de la femme des Trente Glorieuses. Il est vrai que le Bikini fut interdit par les conservatismes, l’Espagne de Franco ou la puritaine Amérique. Pour ce féminisme à œillères, le vrai danger, c’est donc l’électro-nucléaire. Alors j’ai consulté le comité scientifique : on y trouve Lausanne et Amsterdam. Pourquoi pas. Mais absence de nos think tanks, ce qui aurait apporté une once de diversité et de pluralisme. C’est ainsi que je m’explique l’exclusion de Jules Verne ou de Robert Doisneau, le très parisien photographe qui avait réalisé un reportage au Laboratoire de synthèse atomique de Frédéric Joliot-Curie. Où est Kraftwerk ? Déception.
Il y a pire : déposer sur le même plan Auschwitz et Hiroshima. Il y a de quoi s’interroger. Paresse rhétorique, la formule apparaît sous la signature du directeur du musée dans son chapitre introductif au livre-catalogue de l'exposition, L’Âge atomique. Aurait-il oublié la Conférence de Wannsee ? Je revendique que l’on ne peut confondre les victimes civiles des guerres et l’opération consistant à embarquer de braves gens chez eux à six heures du matin, pour leur croyance, de les compresser ensuite sous la menace de fusils et de bergers allemands dans un train de marchandises afin de mieux les exterminer dans un système industriel et organisé d’extermination. Victimes civiles des guerres et génocides sont des notions différentes, autre sujet digne de réflexions. En 1945, les raids de Hiroshima puis de Nagasaki parachèvent en une sauvagerie inédite, une lutte sans merci contre le totalitarisme et ses crimes, série qui débute par le massacre de Nankin (décembre 1937-février 1938). « C’est la guerre, on ne fait pas de sentiment » fait dire Jean Renoir au capitaine de Boëldieu, dans La Grande Illusion. Dans le rôle, Pierre Frenay passe tout le film à justement refréner toute émotion.
Les deux Bombes obtiennent la reddition sans condition du Japon et parachèvent la capitulation finale du National-socialisme d’une Allemagne « Année Zéro ». À Potsdam, devant Truman et Churchill, Staline a bien intégré le message. Le nucléaire est l’arme des vainqueurs de la Seconde Guerre mondiale, ce qui lui donne un statut à part. À la signature du traité de réunification de 1990, Gorbatchev insiste et obtient que l’Allemagne fédérale d’Helmut Kohl signe une clause additionnelle stipulant un renoncement définitif à l’arme nucléaire, alors même que les deux ex-Allemagne, RDA et RFA, avaient adhéré au Traité de non-prolifération. Excès de prudence peut-être, mais le Russe tenait à ce rappel à l’ordre : « Qui déjà a gagné la guerre ? ».
L’art atomique : contribution à la pensée stratégique
Emprisonner l’art dans la politique a pour effet de desservir l’action artistique et la place de l’artiste dans les sociétés libres. Dans ce geste militant couleur rouge et noire signé MAM de Paris, les artistes de l’art atomique ont été pris en otage par une démarche pacifiste surannée. Toute utopie est par essence un totalitarisme, comme nous l’enseigne la philosophie politique. Ce n’est pas en ferraillant dans les batailles du passé, genre « on refait le match », que l’on saura surmonter les combats à venir. De Dada à Nena, l’art est l’expression d’un ressenti intime qui au moyen de la création fait émotion, puis invite à la réflexion, sur le moment et pour l’avenir. Voilà ce qui fait le talent de l’artiste et sa vocation : nous révéler les mondes cachés. Plus radical encore, « l’art pour l’art » cherche à s’émanciper des contingences terrestres. L’esprit des Lumières, de Montesquieu à Condorcet, a fondé la démocratie en France, démocratie résiliente qui garantit la liberté des artistes et, donc, laisse se déployer le débat sur les grands enjeux de société. Le nucléaire en est un. Les artistes ont ici une place sur le podium.
En représentant par l’effroi la guerre nucléaire, l’art atomique apporte une touche d’humanité essentielle à la réflexion sur l’atome et les stratégies de défense qui vont avec. Par son message, ce mouvement accompagne le processus engagé par Albert Camus au lendemain de Hiroshima, à l’avant-garde des réflexions d’un Raymond Aron, d’un Henry Kissinger, et de tout ce que nous apprend Lucien Poirier sur les stratégies nucléaires. Plus encore, le patrimoine artistique est un objet à défendre. À cet égard, la mobilisation pour reconstruire la cathédrale Notre-Dame de Paris a souligné l’attachement de l’humanité éclairée à la préservation de ses plus belles réalisations. Oui, il faut craindre La Bombe, c’est la dissuasion. Saluons les artistes qui se sont engagés sur ce thème. Pour nous spectateurs, les artistes ont prolongé, dans les univers effrayants qu’ils ont imaginés et anticipés, les seules expériences vécues par l’humanité de la guerre nucléaire, Hiroshima et Nagasaki. Les dessins et photos des jours d’après exposés sont un cri envoyé aux dirigeants des pays atomiques. Mais si l’atome sait défendre les démocraties qui en sont dotées – les trois de l’Otan –, l’Atome est aussi un instrument de pouvoir des dictatures et des totalitarismes, des régimes qui ne partagent pas notre humanisme. L’Ukraine a montré que l’Atome pouvait servir une démarche agressive visant la conquête d’un territoire. Il n’est donc pas question de laisser l’exclusivité de l'atome aux régimes totalitaires et/ou ennemis de nos libertés et de nos visions humanistes du monde. Il en va de la sanctuarisation des sociétés démocratiques. Voici, depuis février 2022, « l’équilibre de la terreur » épisode 2. Tout autant que la pensée pédagogique, mais complexe, d’un Lucien Poirier, les artistes savent nous toucher sans filtre. Au carrefour de l’art et de la politique, il y a la caricature. Dans ce registre, Jean Plantu a réussi à pointer les paradoxes et mécanismes des stratégies nucléaires. Le fondateur de Cartooning for Peace aurait eu toute sa place au Palais de Tokyo. Dommage, il n’est pas là. La politique culturelle se doit d’être populaire afin de toucher le plus grand nombre, d’où le rôle central de la musique et du cinéma. Il y eut des millions d’Européens pour écouter 99 Luftballons.
La guerre, par ses réalités cruelles et monstrueuses, doit éviter les euphémismes. Il faut donc montrer l’horreur de la guerre et son cortège de destruction et de souffrances, comme le fait depuis longtemps le Mémorial de Hiroshima : des millions de victimes, des civilisations à jamais anéanties, des merveilles d’architectures à jamais réduites en poussière. Pour la France, il n’y a pas de défense nationale sans la perspective de délivrer l’apocalypse sur quiconque s’en prendrait aux intérêts vitaux, à l’intégrité du territoire, à la vie des Français. Telle est la vocation des sous-marins de la Force océanique stratégique (Fost) et des Rafale des Forces aériennes stratégiques (FAS). Il en va de notre modèle de société inspiré par Les Lumières. C’est une démarche d’avenir. En France, le choix de l’atome est assumé, réfléchi et démocratique.
Civil comme militaire, l’atome est l’un des derniers atouts technologiques et politiques aptes à servir l’Europe, un ensemble qui comprend aussi le Royaume-Uni. L’atome sera bien utile pour surmonter les défis consécutifs à la déroute de l’Europe en Ukraine. Au titre des autres trop rares atouts du continent : son industrie aéronautique et la matière grise de ses ingénieurs et scientifiques. C’est cette culture de l’innovation qu’il s’agit au contraire de restaurer. Après « La Réserve et l’attente » des « dividendes de la paix », la légitimité de l’Atome français trouve, en 2025, de nouveaux arguments dans un monde durablement nucléaire, traversé de violences barbares et séduit par les totalitarismes. Si l’arme nucléaire est défense, elle n’en est pas moins notre liberté d’action et même notre Liberté.
Août 1914, juin 1940 : plus jamais ça !
Éléments de bibliographie
Stavrinaki Maria et Garimorth Julia (dir.), L’Âge atomique – Les artistes à l’épreuve de l’histoire, Éditions Paris Musées, Musée d’art moderne de Paris, octobre 2024.
Huchette Nathalie et André Laurence (dir.), Les Joliot-Curie. Deux savants à la Une, Les carnets du Musée Curie, 2008.
Jeangène Vilmer Jean-Baptiste et Jurgensen Céline (dir,), Imaginaires nucléaires. Représentation de l’arme nucléaire dans l’art et la culture, Éditions Odile Jacob, 2021.
Géré François, La Pensée stratégique française contemporaine, Éditions Économica, 2017.
Dossier « Le retour du nucléaire au cœur du débat géostratégique », revue Défense n° 221, Union IHEDN – décembre 2024.