Les ressources économiques et l'influence audiovisuelle du Qatar permettent le renforcement de son positionnement géopolitique. Outil diplomatique, objet de convoitise et de fantasme, espace de liberté et de pluralisme, Al-Jazeera est tout cela à la fois, novatrice et éclectique. Son développement international illustre l’ambition de l’émirat émergent de devenir à terme, une puissance de premier ordre.
Al-Jazeera et ambition politique qatarie (T 225)
Émirat péninsulaire du Golfe persique peuplé de 2 millions d’habitants, le Qatar fait figure de petit poucet géographique face à ses voisins, les deux mastodontes que sont l’Arabie Saoudite et l’Iran. Pourtant, ce n’est pas tant la taille d’un pays que son poids géopolitique qui est évalué sur la scène internationale. Force est de constater que l’émirat qatari pèse de plus en plus au fil des années et des investissements. Le Cheick Hamad bin Khalifa Al Thani, émir au pouvoir depuis le coup d’État « de velours » dirigé contre son père en 1995, a toujours eu pour ambition de faire entrer son pays, le Qatar, dans la modernité : processus parfaitement lancé et toujours en cours aujourd’hui.
C’est un État-rentier par excellence, économiquement puissant, et dont les patrimoines publics et privés se confondent souvent chez ses dirigeants milliardaires. La Qatar Investment Authority dispose d’une force de frappe de 65 milliards de dollars. Le Qatar utilise la rente colossale des exportations de gaz et de pétrole pour tisser une toile d’influence et développer des partenariats internationaux qui relayeront, d’une manière ou d’une autre, les ambitions de la famille régnante. Le « nerf de la guerre » du Qatar est solide, son réseau s’élargit, son maillage se densifie. Cette politique conquérante ne peut cependant s’appuyer sur sa composante militaire, aussi faible en hommes (11 000 soldats dont seulement 10 % de nationaux) qu’en matériel (majoritairement fourni par la France et les États-Unis). La profondeur stratégique du Qatar demeure de facto très limitée. Aussi surprenant que cela puisse paraître, le deuxième pilier de la puissance qatarie réside dans ses ressources audiovisuelles.
Première chaîne d’informations arabe en continu, Al-Jazeera voit le jour à l’automne 1996. Ses quelque 40 millions de téléspectateurs quotidiens font aujourd’hui d’elle une véritable référence du paysage médiatique international. La chaîne devient surtout progressivement un élément clé de soft power. Ce fameux « pouvoir par la séduction » servant à influencer indirectement le comportement des autres acteurs par des moyens non coercitifs – structurels, culturels ou idéologiques – prend une importance croissante à l’aube d’une société de communication mondialisée, parfaitement intégrée, interdépendante et interconnectée. La puissance ne réside plus simplement dans le fait de posséder l’information mais surtout dans la capacité à pouvoir la diffuser.
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