Alors que nous assistons à la dissolution progressive de la notion de Nation, à quoi ressembleront les conflits de demain ? Létalité éloignée, conflits conventionnels entre États remplacés par des actions puissantes et ponctuelles pour la domination, est-ce cela la stratégie de demain ?
Après la guerre, encore la guerre (T 19)
Pour Clausewitz la guerre est un caméléon, ses changements sont circonstanciels et d’ordre mimétique. Pourtant, dans le sillage de la mutation de nos démocraties, un changement de paradigme est perceptible. Quand le peuple s’absente, la trinité clausewitzienne perd de sa pertinence et la guerre se modifie dans son essence.
La désertion du peuple
Les démocraties sont épuisées. Le régime démocratique lui-même reste sans doute « le moins mauvais des systèmes parmi tous ceux qui ont pu être expérimentés » selon la formule de Churchill, mais le peuple le déserte et ce n’est que son spectre qui gesticule sur son erre jusqu’à cette asthénie constatée chez nos vieux pays. Que reste-t-il de la belle formule constitutionnelle « le gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple », quand ce peuple désabusé, un peu veule, refuse de porter plus avant les exigences de la Nation pour lui préférer les prosaïques aspirations de cet agrégat substitutif, démographique, sociologique et géographique qu’est la population ? Même la sarcastique boutade de Brecht perd toute son amère ironie et approche le burlesque désespéré, quand on constate que les peuples démocratiques contemporains considèrent l’autodissolution comme solution à leurs minuscules ambitions ! La belle formule de « peuple souverain » n’est plus guère utilisée que par les constitutionnalistes ; pour les sociologues nous ne sommes plus qu’une juxtaposition de nouvelles tribus ; pour les consumérologues, un agglomérat de 65 millions de consommateurs et pour certains politiciens postulants pathologiques aux mandats électifs, de la chair à suffrage… Pas de quoi enthousiasmer les foules, dépasser les égoïsmes, réhabiliter les idéaux républicains, et inciter nos contemporains à se réapproprier ce beau concept de Nation.
La projection de puissance, nouveau paradigme
C’est dans le domaine de la guerre que ce retrait du peuple, marqué déjà par le détestable « plutôt rouges que morts » de la crise des Pershing, devrait surtout nous interroger. Car la disparition des passions irrationnelles du peuple que Clausewitz installait comme première composante de son étonnante trinité, influence et transforme désormais la guerre dans sa nature même.
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