Si ses effets sont largement étudiés et catégorisés, sa définition reste imprécise et sa nature indistincte ; la guerre est encore un objet stratégique largement non identifié. En mettant cette incongruité en évidence, l’auteur montre que si les règles du droit et celles des intérêts peuvent se contredire, si les cadres normatifs de la guerre restent dispersés, c’est en s’en prémunissant qu’on la contrôle le mieux.
Qu'est-ce que la guerre ? (T 451)
What is war?
Although its effects are widely studied and categorized, its definition remains unclear and its nature indistinct; war is still a largely unidentified strategic object. By highlighting this incongruity, the author shows that if the rules of law and those of interests can contradict each other, if the normative frameworks of the war remain dispersed, it is by protecting oneself that it is best controlled .
L’évidence du sens des mots contient ce paradoxe que les mots-clefs sont souvent indéfinis parce que, peut-être, allant de soi, à moins qu’ils ne soient indéfinissables. Il en est ainsi du mot « guerre », mot-clef, s’il en est un, le plus structurant de l’histoire de l’humanité, puisque « la guerre est de tous les temps historiques et de toutes les civilisations » (1).
Le mot « guerre » est pourtant devenu un terme générique, galvaudé, voire abusé, employé pour désigner des situations politiques, économiques et sociales très diverses auquel on accole, souvent, un adjectif qui lui fait perdre jusqu’à son essence même : ainsi, par exemple, de l’expression de « guerre économique » qui n’a rien d’une guerre puisque la concurrence des opérateurs économiques se fait dans le cadre de règles du marché, sans violence physique et sans destruction matérielle et que les litiges se règlent par la voie du juge ou de l’arbitrage.
La guerre recouvre depuis tout temps des réalités très diverses, neuf selon Henri de Jomini (2), neuf réalités intemporelles mettant en jeu l’opposition violente de groupes humains constitués dont seule la dénomination évolue allant de la conquête à l’invasion, en passant par les guerres irrédentistes et coloniales, sans oublier les convulsions internes, guerre d’opinion et de religion hier, révolution, crises intérieures dites guerres civiles aujourd’hui. Ni l’étymologie du mot « guerre » (3), ni son alter ego grec polemos ne nous donnent d’informations sur l’acception qu’il faut retenir du mot alors même que cette éventualité est au fondement du sens de toute politique de défense.
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