Retour sur un général des guerres d’Empire qui su, dans un climat de guérilla en Espagne, renverser la tendance. Il s’agit ici de remettre en lumière, dans la perspective de l’Afghanistan, les concepts mis en place par ce même général, deux cents ans plutôt.
Suchet, un maître en pacification ? (T 3)
Espagne, 1809 : après trois années de campagnes plus ou moins heureuses dans l’ensemble du pays, la guerre se traîne à cause de l’hostilité que maintiennent entre eux les généraux, en raison de leur avidité mais aussi à cause d’un adversaire constitué, comme a pu le dire J. de Rocca alors qu’il était officier au 2e Régiment de Hussard, « non de troupes de ligne… mais d’un peuple ». Pire encore, les forces impériales autrefois brillantes ressemblaient à une horde de bandits en maraude.
Paradoxalement, au même moment, se trouve en Aragon, une troupe motivée, entraînée et dans l’ensemble bien intégrée « au sein des populations ». On trouvait là des autorités locales acceptant du commandant en chef des fonctions administratives et les remplissant avec loyauté. La région était prospère, plus dynamique économiquement qu’à l’époque de l’administration espagnole. Le militaire qui commandait en chef était le général Louis-Gabriel Suchet. Aussi est-il intéressant dans le contexte de contre-insurrection que nous connaissons aujourd’hui d’examiner cet épisode relativement méconnu de notre histoire militaire. Comment Suchet a-t-il opéré dans ce type de guerre que nous qualifierions aujourd’hui d’asymétrique ? Quels enseignements pouvons-nous en tirer ?
Un contexte passionné et sans fondement légitime
En 1807, Napoléon lassé de voir un cousin des Bourbon à Madrid, agacé par les menées anglaises au Portugal, décide de placer son frère Joseph sur le trône d’Espagne. Exceptionnellement l’Empereur ne prend pas la tête des opérations. S’ensuit une série de défaites, dont la plus célèbre, Baylen en 1808, voit pour la première fois une armée française battue et faite prisonnière. L’Espagne est alors un pays livré aux juntes, ces assemblées de notables qui, dans l’anarchie générale, se substituèrent au pouvoir de Madrid, et à un clergé marqué par les excès de l’Inquisition. Ceux-ci imposent leur autorité à un peuple peu éduqué le convainquant qu’il est engagé dans une nouvelle Reconquista et qu’il doit reprendre sa terre à l’infidèle. Le mode opératoire qui s’impose aux Espagnols est la guérilla, véritable « guerre de course terrestre ». La junte de Séville autorise ainsi « à attaquer toutes les fois que l’occasion s’en présentera les soldats français, soit en particulier, soit en masse ». Les Français sont alors confrontés à des éléments fanatisés qui leur rendent la vie impossible, confirmant ainsi « l’impuissance de la victoire ». La situation d’alors ressemble particulièrement à celle que nous connaissons aujourd’hui en Afghanistan.
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