Éudier la guerre reste incongru dans le champ académique français contrairement aux États-Unis et au Royaume-Uni où la discipline « war studies » a ses lettres de noblesse. Le tissu de recherche tant universitaire que militaire dans la sphère anglo-saxonne leur donne une capacité unique, à la fois d’études, mais aussi d’influence. Cet article s’inscrit dans le cadre du prochain dossier consacré à la recherche stratégique.
L’étude de la guerre et de la stratégie aux États-Unis et au Royaume-Uni (T 711)
The study of war and strategy in the United States and the United Kingdom
Studying the war remains incongruous in the French academic field, unlike in the United States and the United Kingdom, where the discipline "war studies" has its nobility. The academic and military research fabric in the Anglo-Saxon sphere gives them a unique capacity, both for studies and for influence. This article is part of the next issue devoted to strategic research.
En tant que champ disciplinaire universitaire, l’étude de la guerre et de la stratégie est un développement relativement récent. En dépit d’un riche héritage allant d’Hérodote à Thucydide, de Ibn Khaldun à Machiavel, jusqu’à la fin du XIXe siècle son étude était presque exclusivement l’apanage des militaires. Ce n’est qu’à partir de la Seconde Guerre mondiale que s’est graduellement constitué, en particulier aux États-Unis et au Royaume-Uni, un véritable champ d’étude avec la création d’institutions de recherche et d’enseignement et de revues spécialisées. S’il a connu une expansion considérable pendant la guerre froide et par la suite, ce champ reste largement dominé par les institutions et par les revues anglo-américaines – telles que International Security, Security Studies et le Journal of Strategic Studies. C’est pourquoi, afin d’offrir des éléments de comparaison avec le cas français, cet article propose une cartographie synthétique du champ des études sur la guerre et la stratégie au Royaume-Uni et aux États-Unis.
Il s’agit tout d’abord de distinguer analytiquement trois approches distinctes, mais complémentaires, à l’étude de la guerre et, plus largement, de la conflictualité : les études stratégiques, strategic studies ; les war studies ; et les études de sécurité, security studies (figure page suivante). Nous verrons que si les études stratégiques ont des racines principalement américaines et se sont initialement développées en étroite association avec le gouvernement et les think tanks, les war studies demeurent une spécificité britannique et ont émergé dans le milieu universitaire. L’article propose ensuite un tour d’horizon comparatif des principales institutions américaines et britanniques de recherche et d’enseignement de la guerre et de la stratégie, dans le domaine tant académique que de l’éducation militaire professionnelle, et souligne des processus d’institutionnalisation des relations civilo-militaires significativement différents.
En conclusion, sur la base des expériences américaine et britannique, nous esquisserons quelques propositions et soulignerons l’apport de l’Association pour les études sur la guerre et la stratégie (AEGES) à la structuration de ce champ d’étude en France.
Il reste 84 % de l'article à lire