L’engagement français au Sahel répond dans ses modalités aux concepts développés autour de la guerre hybride. Les unités déployées doivent y faire preuve d’adaptabilité, de modularité et de rusticité face à un adversaire déterminé mais refusant le combat conventionnel. La réussite de nos forces passe aussi par leur dotation en moyens adaptés tant en qualité qu’en quantité, comme l’a hélas démontré l’actualité récente.
L’armée française à l’épreuve de la guerre hybride dans le Sahel (T 765)
The French army in the hybrid war test in the Sahel
The French commitment to the Sahel responds in its terms to the concepts developed around the hybrid war. Deployed units must demonstrate adaptability, modularity and hardiness in the face of a determined adversary but refusing conventional combat. The success of our forces also depends on their endowment of means adapted in both quality and quantity, as has unfortunately been demonstrated by recent events.
La notion de « guerre hybride », bien qu’ancienne sur le plan pratique, n’est réellement formalisée qu’au milieu des années 2000, dans un article coécrit par deux officiers américains du corps des Marines, le général James Mattis et le colonel Franck Hoffman. Alors que l’armée américaine observe un retour aux techniques du combat contre-insurrectionnel, tant en Afghanistan qu’en Irak, repenser la doctrine de l’art de la guerre à l’heure des conflits contemporains s’avère essentiel. Ainsi, le concept de guerre hybride tend à mettre en évidence un mode guerrier qui serait à la fois complexe et innovant, en ce sens qu’il ne répondrait ni aux logiques du combat régulier ni à celles de la stratégie irrégulière, tout en s’en inspirant. En effet, le modèle de guerre hybride, comme son nom l’indique, est en réalité un mélange de composantes disparates issues des pratiques de la guerre conventionnelle et de la guerre non-conventionnelle. Il fait écho de surcroît, aux théories militaires développées au XVIIIe siècle par le stratège prussien Clausewitz qui souhaitait souligner la « non-linéarité » de la guerre et son « imprévisibilité ». Dit autrement, c’est bien l’incertitude (cf. Vincent Desportes) qui caractérise la lutte armée, ce que la guerre hybride cherche définitivement à exploiter.
Depuis janvier 2013, l’armée française est engagée dans une lutte contre le terrorisme dans la bande sahélo-saharienne (BSS), d’abord spécifiquement au Mali avec l’opération Serval, avant de régionaliser son dispositif avec la force Barkhane. D’emblée, la diversité des groupes armés terroristes (GAT) en présence, indépendantistes et/ou djihadistes, souvent sinon toujours trafiquants, définit un cadre d’action stratégique non conventionnel. L’armée française est ainsi confrontée à des individus bien équipés, les stocks d’armes libyens ayant été disséminés dans le désert sahélo-saharien suite à la chute du colonel Kadhafi en 2011, et qui capitalisent dans le même temps sur les avantages traditionnels de l’irrégularité via des techniques de harcèlement, de fugacité tactique, de dissimulation parmi les populations ou encore d’asymétrie morale (cf. Élie Tenenbaum). En outre, comme nous le mentionnions, la porosité entre les différentes catégories de GAT dans la BSS étant fine, les revenus tirés de la criminalité organisée leur permettent de financer leurs activités.
Alors que le concept de guerre hybride fait l’objet de multiples définitions traduisant la plasticité d’une telle notion, quelle doit être la réponse d’une armée conventionnelle professionnalisée, à l’instar de l’armée française ? Faut-il considérer le modèle de guerre hybride comme l’archétype de la guerre du futur ? S’agissant de l’appréhension de l’hybridité par l’armée française, il est clair que cette dernière sait mettre en œuvre les principes d’adaptabilité et de rusticité qui la caractérisent et lui confèrent une capacité d’accoutumance à la contrainte. Dans le même temps, la sophistication croissante des matériels de guerre pose la question de l’utilité et de l’efficacité en terrain hybride, en particulier face à des technologies duales. Somme toute, il s’agit ici de montrer la nécessité d’une plus grande diversification dans l’enseignement militaire, sans pour autant renoncer aux principes classiques qui demeurent une feuille de route nécessaire.
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