Le Pèlerinage militaire international se tient chaque année à Lourdes au mois de mai. Au-delà du rassemblement de militaires et civils de la défense catholiques, c’est aussi un moment de rencontre à dimension mondiale qui, cette année, a regroupé des délégations de plus de 40 pays.
Le Pèlerinage militaire international (PMI) de Lourdes : une dimension géopolitique (T 899)
The International Military Pilgrimage (PMI) of Lourdes: a geopolitical dimension
The International Military Pilgrimage is held every year in Lourdes in May. Beyond the gathering of military and civilians of the defense catholic, it is also a moment of meeting with global dimension which, this year, gathered delegations of more than 40 countries.
Le 59e PMI s’est déroulé à Lourdes du 19 au 21 mai. Cet événement annuel dépasse largement le cadre strictement confessionnel pour prendre une dimension réellement géopolitique au service de la communauté humaine. Cette édition a réuni environ 13 000 participants, avec des délégations venant de 43 pays et de 4 des 5 continents, y compris des plus éloignés. Bien sûr, il s’agit d’abord d’un pèlerinage catholique au sanctuaire marial de Lourdes, là où, en 1858, Bernadette Soubirous vit la Vierge au pied d’une grotte au bord du Gave. Ces apparitions, confirmées par l’Église, ont transformé le petit village au pied des Pyrénées en un des lieux de pèlerinage les plus importants de la Chrétienté et ce, dès 1858.
Ce n’est donc pas un hasard si Lourdes fut choisi comme but d’un pèlerinage pour les militaires français. En 1945, ce sont d’abord les soldats des garnisons voisines du Sud-Ouest qui se rendent au sanctuaire, puis en 1950 le pèlerinage militaire devient national, accueillant des soldats de toute la France. Dès 1951, il accueille une présence étrangère croissante, en particulier allemande, pour consolider le processus de réconciliation entre les deux pays alors même que les blessures de la guerre étaient loin d’être cicatrisées. Cette participation a été essentielle d’autant plus que la Bundeswehr, alors récemment créée, devait se construire en récusant tout lien avec l’ancienne Wehrmacht. Puis en 1958, est organisé la première édition du Pèlerinage militaire international, tel qu’il perdure encore de nos jours.
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Le PMI est ainsi devenu une institution officielle bénéficiant du soutien direct des armées françaises, mais aussi d’armées partenaires et amies.
Anciens combattants, cadres mais aussi appelés du contingent constituèrent le gros des contingents français durant plusieurs décennies. Avec la fin de la conscription, le PMI a changé de nature avec désormais des participants certes moins nombreux par rapport aux années précédentes mais marqués par au moins deux traits particuliers : ce sont des militaires (professionnels ou réservistes) et ce sont des personnels qui ont été engagés en opération, qui connaissent donc le prix du sang. Ce sont aussi des civils de la Défense et des familles, tous engagés dans la durée au service de la Nation.
Le PMI a également été facteur de réconciliation européenne. Avec dans un premier temps, celle entre la France et l’Allemagne, puis, après la chute du Mur, en intégrant les ex-pays de l’Est, dont le catholicisme avait été bridé en particulier dans les armées toutes intégrées au Pacte de Varsovie. Lourdes a ainsi contribué à développer un sentiment de cohésion européenne et à partager une volonté de paix. Aujourd’hui encore, de faire se rencontrer des militaires de Croatie et de Bosnie-Herzégovine reste nécessaire et fécond. Ou encore de rassembler des pays aux cultures différentes venant de continents lointains, mais partageant un même idéal de paix et de sécurité.
Dans un monde multipolaire où les tensions se sont exacerbées, le fait de réunir durant quelques jours des délégations de 40 pays constitue une réussite inscrite dans la durée, après 59 éditions. Ce n’est pas un hasard si lors de ce 59e pèlerinage, les aumôniers militaires du culte musulman pour les armées françaises étaient présents, signe du besoin de dialogue et de partage pour répondre ensemble au nihilisme du terrorisme djihadiste. De la même façon, la présence de Mgr Sakho, évêque en Irak, traduisait le besoin de protéger les Chrétiens d’Orient, dont la disparition serait un drame, non pas uniquement régional, mais pour l’humanité, car cela signifierait la victoire de l’obscurantisme et la négation même de l’histoire, puisque les communautés chrétiennes d’Orient sont sur leurs terres depuis 2000 ans, autour des premiers disciples du Christ.
C’est pourquoi les armées françaises soutiennent le PMI en y engageant des moyens matériels et humains, avec une forte contribution de volontaires d’active et de réserve.
Une équipe réduite travaille toute l’année pour préparer puis conduire cet événement annuel unique en son genre puisqu’il rassemble sur le territoire français une quarantaine de pays. Durant le temps à Lourdes, ce sont près d’un millier de militaires français et étrangers qui assurent le soutien, le déroulement et la sécurité des cérémonies en liaison avec les autorités civiles et militaires. La direction du PMI est d’ailleurs multinationale avec un Conseil international rassemblant 18 pays venant d’Europe, du continent nord-américain (États-Unis, Canada) mais aussi, et depuis 2016, d’Afrique (Côte d’Ivoire).
Cette organisation permet aussi de faire rayonner le rôle que notre pays peut apporter en accueillant toutes ces délégations militaires, permettant ainsi à chacun des participants de profiter pleinement de la démarche qu’il effectue, à titre individuel mais également comme représentant de son armée et de son pays. C’est aussi l’opportunité de montrer sans ostentation la fraternité de la communauté militaire. Généraux, officiers, sous-officiers, soldats, matelots, aviateurs, personnels civils et familles de tous les pays participants sont côte à côte et peuvent échanger sans formalisme. La cérémonie aux monuments aux morts de la ville de Lourdes, qui a été instituée dès la 1re édition et à laquelle participent toutes les délégations, témoigne de cette fraternité d’armes.
Cette solidarité s’exprime envers les blessés, en particulier ceux qui l’ont été en opération et qui continuent à recevoir des soins par le Service de santé des Armées, très présent toutes générations confondues, et qui sont accueillis en long séjour par l’Institution nationale des Invalides. Ceux-ci sont au centre des attentions avec une place spécifique qui leur est réservée pendant la durée du pèlerinage, avec un soin particulier à les soutenir, notamment avec des jeunes. Le « challenge des blessés et valides » dont la 14e édition était organisée à cette occasion permet de constituer des équipes de tous horizons prenant en charge un blessé ou un grand invalide. Le sport devient solidaire et transcende les handicaps.
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Rassembler des militaires de plus d’une quarantaine de pays à Lourdes constitue donc un temps fort non seulement pour les militaires catholiques y participant mais aussi pour nos armées. C’est une occasion annuelle de démontrer que le militaire est avant tout un homme ou une femme qui construit la paix, au prix parfois du sacrifice suprême. Il contribue à défendre des valeurs protégeant les faibles et ceux qui souffrent. Certes, il ne faut pas attendre de « miracle » mais ce temps de partage a également contribué à redonner du sens à la réunification du continent européen divisé pendant plus d’un demi-siècle. Il faut souhaiter maintenant que cet élan qui reste toujours vivant s’élargisse, et que d’autres pays de continents plus éloignés se joignent à ceux déjà présents, à l’occasion du 60e anniversaire du PMI en 2018. ♦