La situation dans le Golfe s’est récemment tendue avec la rupture des relations entre le Qatar et plusieurs états de la région dont l’Arabie saoudite. Cette tension sous fond de rivalité avec l’Iran est inquiétante et très déstabilisante avec le risque de dérapages incontrôlés alimentés par des déclarations à l’emporte-pièce alors qu’il conviendrait de renouer au plus vite les fils du dialogue.
Crise dans le Golfe : le bal des pyromanes (T 903)
Crisis in the Gulf: the arsonists' ball
The situation in the Gulf has recently become tense with the breakdown of relations between Qatar and several states in the region including Saudi Arabia. This tension against Iran's rivalry is worrying and very destabilizing with the risk of uncontrolled slippage fueled by sweeping statements, while the threads of the dialogue should be renewed as quickly as possible.
Chercheur en sciences politiques associé à l’Université libre de Bruxelles (ULB) et l’Observatoire sur le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord (OMAN de l’Université du Québec à Montréal), spécialiste des relations euro-méditerranéennes, coauteur de France-Belgique la diagonale terroriste (La Boîte à Pandore, 2016).
Depuis quelques jours, la tension est montée d’un cran au sein même des pays du Conseil de Coopération du Golfe : Arabie saoudite, Bahreïn, Émirats arabes unis, plus l’Égypte ont décidé de bannir le Qatar de leurs relations diplomatiques, quelques semaines après la visite du président américain Trump. L’Arabie saoudite, porte-parole et porte-étendard de la « cause » des musulmans sunnites, est devenue depuis les années 1980, à la fois un problème sécuritaire et un « allié » problématique des Occidentaux. Les origines du deal américano-saoudien sont anciennes, puisque c’est depuis 1945 que la relation entre Riyad et les États-Unis est réglée par un accord stratégique, politique et militaire, le Pacte du Quincy. L’alignement irréfléchi de Donald Trump sur le coup de force saoudien démontre les méfaits d’une alliance quasi inconditionnelle.
Un Qatar intégré
Dans le contexte des négociations nucléaires avec l’Iran, l’ancien président Obama s’était rendu en Arabie saoudite en avril 2016 quelques mois avant la fin de son mandat. L’objectif était clair : rassurer les Sunnites. En effet, c’est Obama qui avait voulu la signature du fameux accord sur le nucléaire civil avec l’Iran du 14 juillet 2015, apaisant les Chiites longtemps considérés comme les moutons noirs de la région. La France n’a jamais été en reste dans son rapprochement avec certains des pays du Golfe : la coopération historique France-Qatar est en réalité très ancienne. Et elle couvre à la fois la culture, le domaine scientifique, la sécurité et le champ militaire. Longtemps le vent en poupe, Doha avait intégré l’OMF (Organisation mondiale de la Francophonie), introduit le français dans une partie de ses programmes éducatifs comme langue d’enseignement. Depuis 1996, la coopération militaire entre le Qatar et la France n’a eu de cesse de croître également : collaboration des forces de sécurité qataries avec la gendarmerie française, alternance de l’organisation du Salon mondial de la sécurité des États Milipol entre Doha et Paris inaugurés jusque 2015 par les plus hauts dirigeants des deux pays. En 2011, l’engagement à la fois des aviateurs français et qataris lors des opérations en Libye avait marqué une nouvelle étape entre les deux pays. Enfin, la signature le 4 mai 2015 du contrat portant sur l’achat de 24 avions Rafale venait renforcer encore les relations entre la France et le Qatar. Puis le président François Hollande changea d’alliance privilégiée.
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