Synthèse du colloque, « La Méditerranée en partage » organisé par PanEurope France, qui s’est tenu à Paris le 7 avril 2006 au Conseil économique et social.
Colloque - La Méditerranée en partage
Symposium–Sharing the Mediterranean
A résumé of the symposium ‘Sharing the Mediterranean’, organised by PanEurope France, held in Paris on 7 April 2006 at the Economic and Social Council.
Lors du Sommet euro-méditerranéen de novembre 2005, les chefs d’État et de gouvernement des pays riverains ont fait le bilan des réalisations du Processus de Barcelone lancé dix ans auparavant. Malgré les projets d’association et les moyens financiers qui ont été mis en œuvre, le bilan a été plutôt décevant car on s’est rendu compte que les avancées sont lentes et insuffisantes. Dans son discours du 28 novembre 2005, M. Jacques Chirac explique quels sont les défis actuels de la nouvelle stratégie du partenariat euro-méditerranéen : la sécurité (avec une attention spéciale à la lutte antiterroriste et à la paix au Proche-Orient), le développement économique en raison de l’énorme défi démographique (1), l’implantation de la démocratie et le respect des droits de l’homme.
Le colloque du 7 avril 2006 s’inscrit dans le défi de relancer le partenariat en apportant les idées d’experts dans différents domaines. Le colloque a compté sur la participation d’actuels et d’anciens ambassadeurs de plusieurs pays méditerranéens, de membres du Conseil économique et social, PanEurope France et PanEurope Internationale, de professeurs d’université, d’économistes et du vice-président de la Commission européenne, Jacques Barrot.
Le vice-président délégué de PanEurope France, M. Jean-Claude Empereur, a rappelé la nécessité de renforcer les liens existants entre les pays de la Méditerranée pour passer du partenariat au partage, qui est plus riche. Les différences doivent être perçues comme un atout et l’Europe doit rester unie face à la montée en puissance de la Chine et de l’Inde. Le Processus de Barcelone prétendait encourager cette prise de conscience euro-méditerranéenne mais, dix ans après, on a constaté au Sommet de Barcelone en novembre 2005 que les résultats, malgré tous les efforts, s’avèrent plutôt décevants.
Le ministre des Affaires étrangères algérien, M. Mohamed Bedjaoui, a affirmé qu’une des raisons qui peut expliquer la stagnation de la conscience euro-méditerranéenne est la multitude de définitions qu’on peut donner au mot partage : diviser, démembrer, morceler ou, en revanche, se solidariser, compatir. Pour lui, on est encore dans la première acception du terme due à l’existence de deux hypothéqués : colonisatrice (construction mentale négative qui demeure) et économique (développement économique inégal). Cependant, l’Algérie est prête à l’aventure méditerranéenne et certains sujets comme les flux migratoires ou la coopération contre le terrorisme rendent ce partenariat nécessaire.
Le volet économique a été traité en priorité. L’écart des niveaux de vie est insoutenable et les besoins en investissements et en infrastructures sont énormes. Le vice-président de la Banque européenne d’investissements, M. Philippe de Fontaine Vive, considère qu’il est urgent de mettre en œuvre la modification du secteur bancaire du sud de la Méditerranée et de promouvoir les échanges économiques dans un esprit d’ouverture et de tolérance. L’Europe doit faire tomber les frontières entre pays méditerranéens et construire une zone de marché commun sans en avoir peur.
Face à la concurrence asiatique, la qualité des services est cruciale. Aujourd’hui, l’enjeu de l’eau est d’une importance capitale et le partenariat privé essaie de déployer le réseau nécessaire pour améliorer la qualité de vie des pays du Sud. En outre, une bonne gestion du dossier énergétique s’impose si l’on veut faire avancer le partenariat. À ce propos, le directeur des relations internationales de Total, M. Hubert Loiseleur des Longchamps, invite à réduire la consommation pour stabiliser les prix et à chercher des énergies alternatives, prenant toujours soin de respecter l’environnement.
La question de la défense a été aussi évoquée car la coopération entre les deux rives sur ce dossier s’avère indispensable si l’on veut obtenir de bons résultats. Le général Jean-Philippe Roux a rappelé la nécessité de dépasser les alliances bilatérales pour arriver à une vraie politique commune de défense qui serait prête à veiller pour la sécurité dans le Bassin méditerranéen. Sur le plan géopolitique, un partenariat fort est indispensable face aux désirs d’implantation d’autres puissances dans la région. Les États-Unis y développent une politique interventionniste dans le cadre de ce qu’ils appellent le projet du Grand Moyen-Orient (2). Il s’agit de contrôler un espace énergétique vital, de repousser l’influence grandissante de la Chine et de freiner les ambitions de la Russie. En raison de son imparable croissance, la Chine devient un acteur de plus en plus important dans la Méditerranée et on ne peut pas oublier l’existence des puissances régionales comme l’Égypte ou l’Algérie. Face à ces concurrents, l’UE ne doit pas se retirer mais confirmer sa présence, en mettant l’accent sur la culture méditerranéenne.
Certains considèrent que l’UE a été trop occupée par son élargissement et qu’elle a négligé le partenariat euro-méditerranéen. En outre, tous les pays de l’Union ne se sont pas engagés de la même façon et cela ralentit la prise de décisions et la possibilité de participer à la résolution de conflits, comme le cas israélo-palestinien. Mme Leïla Chahid, représentante générale de la Palestine auprès de l’UE, considère que ce conflit est un obstacle majeur lorsque l’on veut parler de partenariat et le Processus de Barcelone doit collaborer pour arriver à une prompte résolution.
En conclusion, on constate que le Processus a nourri des espoirs et a reçu des financements non négligeables, mais l’impasse politique doit être surmontée. Les idées concrètes qui ont été proposées sont la réunion annuelle des chefs d’État et de gouvernement, la mise en place d’un secrétariat permanent chargé d’assurer le suivi des Sommets, la création d’une banque euro-méditerranéenne, la mise en place d’une chaîne de télévision commune pour favoriser le rapprochement des populations et la création d’une zone de libre-échange pour 2010.
Il est indispensable de prendre en compte tous les aspects du partenariat et de ne pas se cantonner dans le volet économique, comme c’est souvent le cas. La mise en place des institutions politiques ainsi qu’une bonne communication sont essentielles pour édifier une authentique Communauté euro-méditerranéenne. ♦
(1) Entre 2005 et 2020 les pays du sud de la Méditerranée verront l’arrivée de 40 millions de jeunes sur le marché du travail.
(2) Le Grand Moyen-Orient comprend 22 pays arabes et 5 non arabes (l’Irak, l’Iran, le Pakistan, la Turquie et Israël).