Ukraine-Russie : 5 mars – 10e jour de guerre
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Une semaine sans écrire une ligne sur cette guerre. Une semaine où chaque jour est pire que le précédent dans la montée aux extrêmes imposée par Moscou. Une semaine à essayer de décrypter et de comprendre ce qui se passe sur le terrain du point de vue militaire. Bien sûr, il sera temps demain de réfléchir aux causes et donc aux responsabilités des uns et des autres dans cette crise majeure qui frappe l’Europe. Mais le temps n’est pas au bilan mais à regarder la réalité en face.
Une Russie dont le taux d’agressivité croît de jour en jour avec un Vladimir Poutine inflexible sur ses exigences politiques. Une Ukraine entièrement mobilisée avec une union nationale fédérant avec l’énergie du désespoir tout le pays. Une Europe – que ce soit l’Union européenne ou l’Otan – qui se rend compte que l’histoire est tragique et que le temps des dividendes de la paix est définitivement révolu ; des États-Unis qui semblent paralysés par le maître du Kremlin, alors que le Pentagone pensait davantage Asie et Pacifique.
Une semaine où les mots « dissuasion » et « nucléaire » ont plus été prononcés que durant la dernière décennie, suscitant dès lors un effroi dans les opinions publiques et une mobilisation complète des plus hautes autorités de l’État autour de cette crise. Car qui dit dissuasion, implique forcément Washington, Londres et Paris, les seuls États nucléaires occidentaux. Paradoxalement, certains responsables et commentateurs ont dû réviser très vite leur grammaire de la dissuasion, car chaque mot compte.
Une semaine où les images se sont accumulées, démontrant l’intensité des combats. Oui, il s’agit de haute intensité où les Russes n’hésitent pas à frapper pour détruire afin d’essayer d’obtenir un succès indispensable, tant le Rubicon a été franchi par Poutine. Plus de marche en arrière possible, ce qui signifie une fuite en avant utilisant toute la palette de la puissance militaire.
Une semaine où les Ukrainiens ont su résister et s’organiser pour défendre pied à pied leur territoire, malgré les pertes et les destructions. Certes, les forces russes progressent et obtiennent des victoires tactiques, dont la jonction entre les unités venant de Crimée et celles venant du Donbass, isolant la ville de Marioupol et confortant l’annexion de la mer d’Azov.
Alors quelles perspectives pour les jours à venir ? Au sud, une poussée vers Odessa privant l’accès à la mer pour l’Ukraine. Au nord, la poursuite des offensives vers Kharkiv et Soumi et l’encerclement de Kiev. Pour les Russes, il est impératif de gagner à la fois du terrain et d’essayer de briser le moral des Ukrainiens, en espérant une rupture des fronts organisés et donc un écroulement du pays. Pour les Ukrainiens, chaque heure de gagnée est une victoire, au moins morale. Pour les Occidentaux, il s’agit d’éviter une extension de la guerre à toute l’Europe. Et il reste une inconnue : comment l’opinion russe va-t-elle réagir après 10 jours d’une « opération spéciale militaire » qui ne fonctionne pas du tout comme Poutine l’avait envisagée depuis des mois ? ♦
Publié le 05 mars 2022
Jérôme Pellistrandi