C’est une publication précieuse que celle de l’ouvrage de Charles Saint Prot sur le Mouvement national.
Le moment est, en outre, particulièrement bien choisi, puisqu’en 2013 sera fêté le centenaire du Congrès national arabe de 1913, qui s’est tenu dans la grande salle des conférences de la Société de géographie, boulevard Saint Germain à Paris. On rappellera que la séance en fut ouverte par le président du Congrès, Abdulhamid el Zahraoui qui soulignait alors que les « nations arabes devaient désormais voir leur existence pleinement reconnue » dans le cadre d’un Empire ottoman en pleine décadence ! Cet appel résonnait à la fois comme une invitation à renouer avec une histoire prestigieuse et comme un avertissement pour l’avenir ! Les pays de la nation arabe seront des acteurs incontournables de l’Histoire ! Un colloque sera d’ailleurs consacré à ce centenaire, le 20 juin 2013, dans le lieu même où se déroula ce Congrès fondateur.
Directeur de l’Observatoire d’études géopolitiques de Paris, islamologue, Charles Saint Prot, auteur de nombreuses études sur le monde arabo-musulman, connaît parfaitement son sujet et livre une étude passionnante quant au fond, servie, de surcroit, par un style agréable à lire. Cet essai, qui se situe aux confins de l’histoire, de la géopolitique et de la science politique, traite d’un sujet trop souvent négligé, celui de l’histoire de la nation arabe et de ses représentations.
Il se compose de cinq chapitres consacrés successivement à l’émergence (1), au Congrès national de Paris (2), à la Grande révolte arabe de 1916 (3), au nationalisme arabe entre particularismes locaux et panislamisme (4) et à la philosophie politique de Michel Aflak (5).
L’auteur invite à une réflexion sur les liens nécessaires entre l’arabisme et l’islam, sur leur proximité évidente, sans pour autant bien évidemment que celui-là ne se ne résume à celui-ci. Charles Saint-Prot fait d’ailleurs écho, dans son travail, aux interrogations profondes de Michel Aflak, philosophe du nationalisme arabe auquel est donc consacré le chapitre 5 de l’ouvrage, qui rappelait que « le danger est de considérer les peuples comme des conglomérats humains figés et monolithiques, sans racines avec la terre et que, par voie de conséquence, il est ainsi possible d’appliquer à l’un d’eux les réformes et les changements issus des besoins et des prédispositions d’un autre » (« À la mémoire du Prophète arabe », discours prononcé à l’Université de Damas, le 5 avril 1943, et reproduit en annexe de l’ouvrage). Le comparatisme en sciences sociales impose en effet sur le plan méthodologique de ne pas vouloir importer de manière autoritaire des institutions, notions et concepts dans une autre culture politique et juridique que celle dont ils sont issus. À rebours de cette tentation permanente, l’auteur invite à étudier le « mouvement national arabe » de l’intérieur, à en saisir les ressorts profonds, les « lois intangibles » si importantes à la compréhension de l’histoire d’une nation qu’évoquait Richelieu dans son Testament politique.
On l’aura compris, on recommande vivement la lecture de cet ouvrage riche en enseignements à tous ceux qui s’intéressent au monde arabe, à l’histoire de la pensée politique et, de manière générale, au « dialogue entre les civilisations ». L’étude de Charles Saint-Prot est également au cœur de l’actualité la plus immédiate puisqu’elle permet de mieux comprendre l’importance d’un mouvement qui « a suscité de grands espoirs et, sans doute plus qu’un intégrisme sectaire, continue d’incarner l’espérance d’un véritable printemps arabe ».