Deux Saint-Cyriens ont joint leurs talents et expérience pour rédiger ce livre. Ce n’est pas un traité érudit sur la guerre à la Clausewitz, dont ils analysent par ailleurs la pensée, mais c’est beaucoup plus qu’un simple ouvrage de vulgarisation ou un écrit pédagogique.
Le premier, diplômé de l’ESSEC, après avoir commandé le 4e Régiment d’hélicoptères des forces spéciales, est sous-directeur à la Délégation aux Affaires stratégiques (DAS) ; le second, juriste de formation, consultant dans un cabinet spécialisé dans l’intelligence stratégique (CEIS) est l’auteur de divers livres sur l’Afghanistan, l’Irak, les mercenaires et polices privées, sur Israël et la Palestine. Comme l’écrit dans sa préface le Chef d’état-major de l’Armée de terre « Tant que la violence restera consubstantielle aux relations humaines, le monde n’en aura malheureusement pas fini avec la guerre. Par notre vigilance et notre détermination, puissions-nous permettre à la France d’être longtemps épargnée ».
« Guerre », du francique werra, qui supplanta au IXe siècle le latin médiéval bellum qui donna naissance à belligérance. Si le mot est relativement récent, son origine est beaucoup plus lointaine. Doit-on la faire remonter vers 11 000 av. JC au Djebel Sahaba à la frontière nord du Soudan où furent découverts 59 corps dont 40 portaient des blessures mortelles ou encore bien au-delà ? Une anthropologue anglaise a vu dans les premiers affrontements entre ancêtres de l’homme et grands singes, les premiers indices des affrontements guerriers postérieurs. Mais s’agissait-il de guerres ? Les hommes du Néolithique en effet se battaient déjà en groupes de 5 à 10 000 hommes mais ils n’étaient pas organisés pour conquérir et occuper un territoire. Qui dit guerre dit organisation, hiérarchie, pouvoir, chefferie, royauté…
S’agit-il d’une seule affaire d’homme ? Bien que la femme ait été souvent à l’origine des guerres (on se souvient d’Hélène dans la guerre de Troie), on doit distinguer la femme militaire (en nombre croissant) et la femme combattante-soldat, beaucoup plus rare.
La guerre est-elle un facteur économique (de croissance), une source d’innovations technologiques ? Peut-elle être juste ou incarne-t-elle le mal ou la barbarie ? Tous les coups y sont-ils permis ? Autant de questions et bien d’autres qui n’appellent pas de réponses univoques, tant il est vrai que la guerre mue comme les civilisations et les sociétés dans lesquelles elle s’insère. En tout cas l’argent est toujours le nerf de la guerre, celle d’Algérie, a représenté 10 % du PIB français. En 2009, le soldat qui part pour l’Afghanistan coûte un million de dollars par an.
La guerre est-elle une chose facile ? Les auteurs n’ont pas de mal à expliquer la fameuse sentence de Napoléon : « La guerre est un art simple et tout fait d’exécution », ce qui voulait dire en réalité : « Tenez-vous en strictement aux ordres que je vous donne. Moi seul je sais ce que je dois faire ». Il n’en reste pas moins qu’il existe trois grandes écoles pour la pratique de la guerre : une approche historique, une approche philosophique et une approche scientifique.
Autre citation célèbre : « La guerre est une chose trop grave pour la confier aux militaires ». Quel militaire n’a pas réagi cette avanie de Clemenceau ! Par là, ce grand adepte de bons mots, qui était venu au pouvoir en 1917, alors que la France était épuisée par trois années de guerre voutait dire que seuls le pouvoir et la volonté politique pouvaient encore forcer la décision. Il joua un rôle prépondérant dans la formation d’un commandement allié unifié sous la direction du maréchal Foch. « Le politique conduit la guerre, les chefs militaires les batailles » constatait le général de Gaulle.
La guerre n’est donc pas une chose facile et il convient de se méfier de bien des idées reçues, comme celle-ci « Quelques super commandos et ça suffira ». Car on est bien souvent en retard d’une guerre. Que d’idées fausses sont véhiculées à son propos comme : « On assiste au retour de la guerre » alors qu’en réalité depuis le début des années 1990, il y a eu 40 % de conflits de moins qu’entre la fin de la Seconde Guerre mondiale et la disparition de l’URSS. Le nombre de crimes de guerre et assimilés a chuté de 80 % depuis 1988.
En se tournant vers l’avenir, quel est l’horizon de la guerre sachant que l’arme nucléaire, même dévaluée, n’a pas perdu de sa signification militaire et diplomatique. Elle reste un élément égalisateur recherché pour cela et fournit un élément de dissuasion du faible au fort. Peut-on dire que l’avenir de la guerre se réduira de plus en plus à un "super jeu vidéo" ? Qu’elle pourra s’effectuer avec « zéro mort » ? Quant à ses causes, les auteurs en mentionnent plusieurs au-delà du pétrole, les terres rares, l’eau… Que dire des menaces de cyberguerre qui tendent à estomper les frontières entre défense militaire, sécurité civile, protection du territoire et du patrimoine ? Le coût des hyper-technologies ne fera que croître. On le voit, si la guerre s’estompe en se démultipliant, se diversifiant, les conflits violents migrent dans toutes les activités humaines. Reste en dernier lieu le facteur humain, l’imprévu, le nouveau. Réalité tout autant fascinante qu’abjecte, la guerre est bien comme les langues d’Esope, la meilleure et la pire des activités humaines.