La réédition de ce témoignage, paru pour la première fois en 1965 et devenu depuis introuvable, donne l’occasion de se pencher sur la personnalité exceptionnelle de son auteur aux états de service stupéfiants. Issu d’une famille militaire de l’Arkansas il sortit major de West-Point en 1903. En 1925, il devint le plus jeune major-général de l’Armée américaine, en 1930, il en devint le chef d’état-major.
Ayant quitté le service en 1937, il fut rappelé a l’été 1941, en tant que commandant des Forces armées américaines en Extrême-Orient. Les Philippines ayant été envahies par les Japonais en décembre 1941, les forces américaines se replièrent à Bataan où elles résistèrent jusqu’en mai 1942. Son récit des batailles du Pacifique commence le dimanche 8 décembre, à 3h40 du matin, lorsqu’un coup de téléphone de Washington le mit au courant de l’attaque sur Pearl Harbour sans lui donner le moindre détail et s’achève le 2 septembre 1945 lorsque à bord du Missouri, il accepta la reddition japonaise en terminant par ses mots « Prions tous que la paix soit maintenue restaurée dans le monde entier et que Dieu la fasse durer toujours ». Entre les deux, c’est un récit captivant sans aucun effet, sans nulle boursouflure, qui fait entrer le lecteur dans tous les détails des batailles du Pacifique auxquelles il a pris part. Il y rend un hommage appuyé au peuple australien dont la petite population d’alors de 7 millions ne comprenait, déduction faite des hommes mobilisés, que 2 millions d’actifs qui fournirent aux troupes américaines 70 % de ce dont elles eurent besoin. En mars 1942, MacArthur et son état-major quittèrent l’île de Corregidor (Philippines) et rallièrent l’Australie où il prit le Commandant suprême des forces alliées dans le Pacifique sud-ouest et note que les batailles navales deviennent de plus en plus des combats aériens, comme lors du tournant de la bataille du Pacifique entre le 3 et 6 juin 1942 au sud-ouest de l’île de Midway.
Le point d’orgue de son témoignage porte sur la bataille du golfe de Leyte du 23 au 26 octobre 1944 au début de la reconquête des Philippines, lors du débarquement des troupes américaines sur l’archipel central des Philippines, opération considérée comme la plus grande bataille aéronavale de l’histoire. Des combats acharnés sur une surface vaste comme le tiers de l’Europe virent la fin de la flotte japonaise qui, par un bien audacieux pari, s’était toute entière engagée dans l’opération. Les kamikazes y firent leur apparition pour la première fois, lorsque l’un d’eux s’écrasa le 21 octobre sur un croiseur australien. Le Japon vit disparaître 45 % du tonnage engagé, soit 305 710 t, 1 porte-avions d’escadre, 3 porte-avions légers, 3 cuirassés, 10 croiseurs, 11 destroyers, 5 sous-marins et 1 pétrolier furent coulés, plus de 1 000 avions détruits, les pertes humaines dépassèrent les 10 000 morts pour la seule marine. 2 cuirassés, 4 croiseurs lourds, 3 destroyers furent endommagés et ne purent reprendre le combat. Au total, les morts officiellement dénombrés du côté japonais atteignirent 80 557 contre 798 prisonniers seulement. Ce fut la revanche de Pearl Harbour. Quant à l’US Navy, elle perdit 3 % de son tonnage, soit 37 300 t : 1 porte-avions léger, 2 porte-avions d’escorte, 3 destroyers, 3 sous-marins perdus, 1 vedette lance-torpilles, 200 avions abattus et dénombra 3 320 tués et 12 000 blessés.
Après plus de deux ans de combats dans le Pacifique, MacArthur avait réalisé sa promesse de revenir aux Philippines où avait également combattu son père. Comme le lui révéla par la suite l’Empereur du Japon, Shōwa Tennō (Hirohito), à compter de cette bataille le gouvernement japonais fut persuadé que la guerre était perdue et ses efforts tendraient désormais à parvenir à la paix sans explosion interne.